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Page:Rolland Clerambault.djvu/152

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Il était accablé. Il ne répondait pas aux questions ; il se clôturait dans un mutisme farouche. L’autre l’avait laissé toute l’après-midi cuver sa peine ; il le guettait du coin de l’œil et, dans l’obscurité, sentant le moment venu, il s’était approché. Il savait que le petit, de lui-même, allait parler. Le ricochet d’une balle, au-dessus de leur tête, fit s’ébouler une motte de terre glacée.

— Hé ! le fossoyeur, dit l’autre. T’es trop pressé !

— Autant que ce soit fini, dit Maxime, puisqu’ils le veulent tous !

— Pour faire plaisir aux Boches, tu veux donner ta peau ? T’en as de la bonté !

— Il n’y a pas que les Boches. Ils mettent tous la main à la fosse.

— Qui ?

— Tous. Ceux de là-bas, d’où je viens, ceux de Paris, les amis, les parents, les vivants, ceux de l’autre bord. Nous, nous sommes déjà morts.

Il y eut un silence. Le jet d’un projectile hululait dans le ciel. Le compagnon aspira une bouffée :

— Alors, ça n’a pas été, mon petit, là-bas ? Je m’en doutais ! …

— Pourquoi ?

— Quand l’un peine et l’autre pas, on n’a rien à se dire.

— Ils souffrent aussi, pourtant.

— Mais c’est pas le même pain. Tu as beau être malin, tu n’expliqueras jamais à qui ne l’a pas eu ce que c’est qu’une rage de dents. Va donc leur faire com-