Page:Rolland Clerambault.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leux, au front ; il y avait rapidement conquis le grade de lieutenant. Il profita de sa permission pour venir voir Clerambault.

Celui-ci était seul. Sa femme et sa fille étaient sorties. Il reçut avec joie le jeune ami. Mais Daniel paraissait gêné ; et après avoir répondu tant bien que mal aux questions de Clerambault, il aborda brusquement le sujet qui lui tenait à cœur. Il dit qu’il avait entendu parler, au front, des articles de Clerambault ; et il était troublé. On disait… on prétendait… Enfin, on était sévère… Il savait que c’était injuste. Mais il venait — (et il saisit la main de Clerambault avec une chaleureuse timidité) — il venait le supplier de ne pas se séparer de ceux qui l’aimaient. Il lui rappela la piété qu’inspirait le poète qui avait célébré la terre française et la grandeur intime de la race… « Restez, restez avec nous, à cette heure d’épreuves ! »

— Jamais je n’ai été davantage avec vous, répondit Clerambault. Et il demanda :

— Cher ami, vous dites qu’on attaquait ce que j’ai écrit. Vous-même, qu’en pensez-vous ?

— Je ne l’ai pas lu, dit Daniel. Je n’ai pas voulu le lire. J’ai craint d’être attristé dans mon affection pour vous, ou troublé dans l’accomplissement de mon devoir.

— Vous n’avez pas beaucoup de confiance en vous, pour craindre de voir ébranler vos convictions par la lecture de quelques lignes !

— Je suis sûr de mes convictions, fit Daniel, un peu piqué ; mais il est certains sujets qu’il est préférable de ne pas discuter.