Page:Rolland Clerambault.djvu/198

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pour le front. — A l’instigation de Clerambault, sa femme alla, peu après, avec Rosine, faire visite aux parents de Daniel. Elles furent reçues avec une froideur glaciale, presque blessante. Mme  Clerambault revint en déclarant qu’elle ne reverrait plus de sa vie ces malotrus. Rosine avait grand’peine à ne pas montrer ses larmes.

Dans la semaine qui suivit, arriva une lettre de Daniel à Clerambault. Un peu honteux de son attitude et de celle de ses parents, il cherchait moins à l’excuser qu’à l’expliquer. Il faisait une allusion discrète à l’espoir qu’il avait conçu de devenir, un jour, plus proche de Clerambault que par les liens de l’admiration, du respect, de l’amitié. Mais il ajoutait que Clerambault était venu jeter le trouble dans ses rêves d’avenir par le rôle regrettable qu’il avait cru devoir prendre dans le drame où se jouait la vie de la patrie, et par le retentissement que sa voix avait eu. Ses paroles, sans doute mal comprises, mais à coup sûr imprudentes, avaient revêtu un caractère sacrilège qui soulevait l’opinion. Parmi les officiers du front, comme chez ses amis à l’arrière, l’indignation était unanime. Ses parents, qui connaissaient le rêve de bonheur qu’il avait formé, y mettaient leur veto. Et quelle que fût sa peine, il ne se croyait pas le droit de passer outre à des scrupules, qui avaient leur source dans une piété profonde envers la patrie blessée. L’opinion ne pourrait concevoir qu’un officier qui avait l’honneur d’offrir son sang pour la France songeât à une union qu’on eût interprétée comme une adhésion à des principes funestes. Elle