Page:Rolland Clerambault.djvu/232

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s’attirer confiance. Ainsi, quoique nous ne suivions pas la même route, nous n’en tendons pas moins au même but : car s’il n’y avait rien à gagner, il serait indifférent à celui qui dit la vérité de dire plutôt un mensonge, et à celui qui ment de dire la vérité. » — Mais nous, mes contemporains, nous sommes bien plus pudiques ; nous ne nous regardons pas mentir, au coin d’une borne : nous mentons à huis clos ; nous mentons à nous-mêmes. Et nous ne l’avouons jamais, même à notre bonnet. Non, nous ne mentons pas. Nous « idéalisons »… — Allons, qu’on voie vos yeux, et que vos yeux voient, hommes libres !

« Libres ! De quoi êtes-vous libres ? Et qui de vous est libre, dans vos nations d’aujourd’hui? — D’agir ? Non, puisque l’État dispose de votre vie, fait de vous des assassins ou des assassinés. — De parler et d’écrire ? Non, puisqu’on vous emprisonne, quand vous dites votre pensée. — De penser pour vous seul ? Non, si vous ne le cachez bien ; et le fond d’une cave n’est pas encore assez sûr. Taisez-vous, méfiez-vous ! vous êtes bien gardés… Garde-chiourme pour l’action : sous-offs et galonnés. Garde-chiourme pour l’esprit : Églises et Universités, qui prescrivent ce qu’il faut croire et ce qu’il faut nier… De quoi vous plaignez-vous ? (Mais vous ne vous plaignez pas !) Point de fatigue de pensée ! Répétez le catéchisme !

« Vous dites que ce catéchisme a été librement consenti par le peuple souverain ? — Belle souveraineté ! Nigauds, qui se gonflent les joues du mot de Démocratie !… La Démocratie, c’est l’art de se