Page:Rolland Clerambault.djvu/278

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d’aujourd’hui, on dirait qu’on s’arrange pour vous la rendre la plus emmerdante possible. Plus d’initiative. Tout est mécanisé. Avec ça, aucun ordre. On ne fait plus de travail, on fait des bouts de travail, on ne sait pas avec quoi ça s’agence : et le plus souvent, ça ne s’agence pas. C’est un sacré gâchis, dont on ne profite même pas. On est comme mis en caque, empilés au hasard. On ne sait pas pourquoi. On ne sait pas pourquoi on vit. On vit. On n’avance pas. — Il y a, dans la nuit des temps, nos grands-pères qui, dit-on, nous ont pris la Bastille. Alors, il paraîtrait, d’après ces farceurs-là, — ceux qui tiennent le manche, — qu’il n’y aurait plus pour nous rien à faire aujourd’hui, que c’est le Paradis. Est-ce que ce n’est pas écrit sur tous nos monuments ? On sent bien que ce n’est pas vrai, qu’il y a là-bas devant nous un autre orage qui chauffe, une autre Révolution… Mais celle qui a eu lieu a si mal réussi ! Et tout est si peu clair !… Non, on n’a pas confiance, on ne voit pas son chemin, on n’a personne qui nous montre par-dessus toutes ces mares à crapauds, quelque chose de haut, quelque chose de beau… Ils font bien tout ce qu’ils peuvent, maintenant, pour nous emballer : Droit, Justice, Liberté… Mais le lard est éventé… On peut mourir pour ça. Mourir, on ne refuse jamais… Mais vivre, c’est autre chose !…

— Et maintenant ? demanda Clerambault.

— Ah ! maintenant, maintenant qu’on ne peut plus revenir en arrière, je pense : « Si c’était à recommencer ! »

— Quand avez-vous changé ?