Page:Rolland Clerambault.djvu/288

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allez vous retourner contre vos gouvernements, dont vous voyez les tares. Et si jamais vous reconnaissez que ces tares sont aussi en vous — (comme il est à craindre après les révolutions qui s’allument et où les justiciers se retrouveront, à la fin, sans comprendre comment, les mains et le cœur souillés) — vous vous acharnerez contre vous-mêmes, avec un sombre désespoir Grands enfants, quand vous déshabituerez-vous de vouloir l’absolu ?

Ils auraient pu lui répondre qu’il faut vouloir l’absolu, pour pouvoir le réel. La pensée peut s’amuser aux nuances. L’action n’en comporte point. C’est tout un, ou tout autre. Que Clerambault choisît entre eux et leurs adversaires ! Pas d’autre choix possible…

— Oui, Clerambault le comprenait. Pas d’autre choix possible, sur le plan de l’action. Ici, tout est déterminé d’avance. De même que la victoire injuste amène fatalement la revanche qui sera injuste à son tour, de même l’oppression capitaliste amènera la révolution prolétarienne qui sera oppressive, à son exemple. C’est une chaîne sans fin. Il y a là une Dikè d’airain, que reconnaît l’esprit, qu’il peut même honorer comme une Loi de l’univers. Mais le cœur ne l’accepte pas. Le cœur refuse de s’y soumettre. Sa mission est de rompre la Loi de guerre éternelle. Le pourra-t-il jamais ?… Qui le sait ? En tout cas, il est clair que son espoir, son vouloir, sortent de l’ordre naturel. Sa mission est d’ordre surnaturel, et proprement religieux.