Page:Rolland Clerambault.djvu/319

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en rejeter la paternité, car il trouvait, enchâssées dans les commentaires de Thouron, des citations de ses lettres, dont les termes étaient exacts. Il s’y reconnaissait encore moins. Les mêmes mots, les mêmes phrases, prenaient dans le contexte où ils étaient greffés, un accent, une couleur, qu’il ne leur avait point donnés. Ajoutez que la censure, investie du salut de l’État, avait, dans les citations, coupé de-ci de-là des demi-lignes, des lignes, des fins de paragraphes, parfaitement innocents, mais dont la suppression suggérait à l’esprit surchauffé du lecteur les pires iniquités. L’effet d’une telle campagne ne se fit pas attendre ; c’était de l’huile sur le feu. Clerambault ne savait à quel saint se vouer, pour décider son défenseur à se taire. Il ne pouvait lui en vouloir, car Thouron ramassait sa part de menaces et d’injures, largement, sans sourciller : son cuir en avait vu d’autres !

Quand ils eurent été tous deux copieusement arrosés, Thouron s’attribua des droits sur Clerambault et, après avoir essayé de lui faire prendre des actions de son journal, il l’inscrivit, sans le prévenir, dans le Comité d’honneur. Il trouva fort mauvais que Clerambault qui l’apprit, quelques semaines plus tard, n’en fût pas satisfait. Leurs relations en furent refroidies, sans qu’il cessât, pourtant, d’arborer, de loin en loin, dans ses articles, le nom de « son illustre ami » Celui-ci se laissait faire, trop heureux d’en être quitte, à ce compte. Il l’avait perdu de vue, lorsqu’il apprit, un jour, que Thouron était arrêté. On l’inculpait dans une affaire d’argent, assez malpropre, où la