Page:Rolland Clerambault.djvu/325

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n’eût rien dit de sa rencontre. Clerambault et Rosine rêvassaient, chacun de son côté : Clerambault, assis à sa fenêtre et fumant ; Rosine, tenant un journal, qu’elle ne lisait pas. Ses yeux heureux, qui erraient, cherchant à revoir les détails de la scène de tout à l’heure, rencontrèrent le visage fatigué de son père. Il avait une expression de mélancolie qui la frappa. Elle se leva et, debout derrière lui, elle posa la main sur l’épaule de Clerambault et dit, avec un petit soupir de compassion qui dissimulait mal la joie intérieure :

— Pauvre papa !

Clerambault, levant les yeux, regarda Rosine, dont les traits rayonnaient malgré elle.

— Et elle, dit-il, la petite, elle n’est donc plus pauvre ?

Rosine rougit.

— Pourquoi dis-tu cela ? fit-elle.

Clerambault la menaça du doigt. Rosine penchée sur lui, par derrière, appuya sa joue contre la joue de son père.

— Elle n’est plus pauvre ? répéta-t-il.

— Non, dit-elle, elle est très riche, au contraire.

— Dis un peu ce qu’elle a…

— Elle a… d’abord, son cher papa…

— Oh ! la petite menteuse ! dit Clerambault, essayant de se dégager et de la regarder en face.

Rosine lui couvrit les yeux, la bouche avec ses mains.

— Non, je ne veux plus que tu regardes, je ne veux plus que tu parles…

Elle l’embrassa, et redit, en le câlinant :

— Pauvre papa !