Page:Rolland Clerambault.djvu/327

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bouquet de violettes, qu’elle avait déposé sur le coffre, près de la porte.

La lettre disait :

« Tu ne cede malis,
sed contra audentior ito…

« Vous combattez pour nous. Notre cœur est en vous. Versez-nous votre souffrance. Je vous verse mon espérance, ma force et mon amour, — moi qui ne puis agir, — qui ne puis agir que par vous. »

Cette chaleur juvénile et les derniers mots, un peu mystérieux, émurent et intriguèrent Clerambault. Il évoquait l’image de la visiteuse, sur son seuil. Elle n’était plus très jeune : des traits bien dessinés, des yeux bruns et sérieux qui souriaient dans un visage fatigué. Où l’avait-il vue déjà ? Tandis qu’il la fixait, l’image s’effaça.

Il la retrouva, deux ou trois jours après, à quelques pas de lui, dans une allée du Luxembourg. Elle passait. Il traversa l’allée, pour la rejoindre. Elle s’arrêta, en le voyant venir. Il lui demanda, la remerciant, pourquoi elle était partie si vite, sans se faire connaître. Et il s’aperçut à ce moment qu’il la connaissait depuis longtemps. Il la rencontrait naguère au Luxembourg, ou dans les rues autour, avec un grand garçon qui devait être son fils. Chaque fois qu’il les croisait, leurs regards le saluaient d’un sourire de respect familier. Et sans qu’il sût leur nom, sans qu’ils eussent jamais échangé une parole, ils faisaient partie, pour lui, de ces ombres