Page:Rolland Clerambault.djvu/364

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suis une sotte), je t’en voulais de nous mettre mal avec tous… Mais, maintenant… non, c’est trop injuste !… Des hommes qui ne seraient pas dignes de dénouer les lacets de tes chaussures… Ils t’ont frappé !… Laisse-moi, que j’embrasse ta pauvre figure abîmée !

C’était bon de se retrouver, après s’être perdus ! Quand elle eut bien pleuré au cou de Clerambault, elle l’aida à se rhabiller ; elle lui baigna la joue avec de l’arnica ; elle emporta ses vêtements pour les brosser. A table, elle le couvait de ses yeux fidèles et inquiets. Et lui s’efforçait de la distraire de ses craintes, en causant de vieilles choses familières. D’être tous deux seuls, ce soir, et sans enfants, les reportait aux anciennes années, aux premiers temps du mariage. Cette commémoration secrète avait une douceur mélancolique et apaisée, comme l’Angelus du soir répand dans l’ombre qui vient un dernier rayonnement, attiédi, de l’Angelus de midi.

Vers dix heures, on sonna. C’était Julien Moreau, avec son camarade Gillot. Ils avaient lu les journaux du soir qui racontaient l’incident, à leur manière. Les uns parlaient d’une correction exemplaire infligée par le mépris public, et ils rendaient hommage à l’indignation « spontanée » de la foule. Les autres, les journaux graves, voulaient bien déplorer, en principe, la justice populaire qui s’exerce sur la voie publique ; mais ils en rejetaient la responsabilité sur la faiblesse du pouvoir, qui hésitait à faire la lumière tout entière. Il n’était pas impossible que leur blâme du gouver-