Page:Rolland Clerambault.djvu/370

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de gestes, trop de bruit ! Mais ils sont déjà loin. Telles, des figures qu’on voit un instant grimacer aux portières d’un train en marche. Le train a fui. La vision s’enfonce dans le tunnel qui gronde Et sur le ciel nocturne, l’étoile mystérieuse continue de glisser. Autour, les espaces taciturnes, la sombre transparence et la fraîcheur glacée de l’air sur l’âme nue. Infini de la vie dans une goutte de vie, dans l’étincelle d’un cœur qui est près de s’éteindre, mais qui s’est affranchi et sait qu’il rentrera bientôt dans le grand foyer.

Et, comme le bon intendant d’un bien qui lui a été confié, Clerambault dressait le bilan de sa journée. Il revoyait ses essais, ses efforts, ses élans, ses erreurs. Qu’il restait peu de sa vie ! Presque tout ce qu’il avait construit, il l’avait ensuite détruit, de ses mains ; il avait nié, du même cœur qu’il avait affirmé ; il n’avait pas cessé d’errer dans la forêt des doutes et des contradictions, meurtri, saignant, n’ayant pour s’orienter que les étoiles entrevues, qui paraissaient et disparaissaient entre les branches. Quel sens avait cette longue course tumultueuse, qui se brisait dans la nuit ? — Un seul. Il avait été libre

Libre Qu’était-ce donc que cette Liberté, qui l’inondait de son impérieuse ivresse — Liberté dont il se sentait le maître et la proie, — cette nécessité d’être libre ? Il n’en était pas dupe ; il savait bien que, pas plus que les autres, il n’était libre de l’enchaînement éternel ; mais la consigne qu’il avait reçue était différente des autres, car tous n’ont pas la même. Le mot