Page:Rolland Clerambault.djvu/55

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d’expériences savoureuses à comparer et à déguster. Il appartenait à la grande tradition française de ces savants qui furent des maîtres écrivains, de Buffon à Renan et à Gaston Paris. Membre de l’Académie, et de deux ou trois classes, l’ampleur de ses connaissances lui assurait sur les purs hommes de lettres, ses collègues, la supériorité non seulement d’un goût sûr et classique, mais d’un esprit plus libre et ouvert aux nouveautés. Il ne s’estimait pas dispensé d’apprendre, comme la plupart d’entre eux, dès l’instant qu’ils avaient passé le seuil de la sacrée Coupole ; tout vieux maître qu’il fût, il restait à l’école. Alors que Clerambault était encore inconnu du reste des Immortels, sauf de deux ou trois confrères poètes qui ne parlaient de lui (le moins possible) qu’avec un souris dédaigneux, il l’avait découvert et classé dans son herbier. Il était tombé en arrêt devant quelques images ; l’originalité de certaines formes verbales, le mécanisme de l’imagination, primitive et compliquée avec naïveté, l’attirèrent ; puis, l’homme l’intéressa. Clerambault, à qui il adressa un mot de compliments, vint l’en remercier, débordant de gratitude ; et des liens d’amitié se nouèrent entre les deux hommes. Ils ne se ressemblaient guère : Clerambault, avec ses dons lyriques et une intelligence moyenne, que le cœur dominait. Et Perrotin, muni de l’esprit le plus lucide, que ne gênaient jamais les élans de son imagination. Mais tous deux avaient en commun la dignité de vie, la probité intellectuelle, un amour désintéressé de l’art et de la science, qui trouvait sa joie en soi et non dans le