Page:Rolland Handel.djvu/151

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sels que ne le fut, en musique, ce Saxon, pénétré de toutes les pensées artistiques d’Occident.

Il ne puisait pas seulement à la source de musique savante et raffinée, à la musique des musiciens ; il allait boire aussi aux ruisseaux de musique populaire, aux plus simples, aux plus rustiques[1]. Il les aimait. On trouve, notés dans ses manuscrits, des cris des rues de Londres ; et il disait à une amie qu’il leur devait les inspirations de plusieurs de ses meilleurs chants[2]. Certains de ses oratorios, comme l’Allegro e Penseroso, sont tissés de ses souvenirs de promenades dans la campagne anglaise. Et qui ne se souvient des Pifferari du Messie, du carillon flamand de Saul, des joyeux chants populaires italiens d’Héraklès et d’Alexander Balus ?

  1. Ce ne sont pas là des traits qui lui soient spéciaux. Le double courant encyclopédique et savant, d’une part, populaire ou pseudo-populaire, de l’autre, se retrouve à un degré beaucoup plus fort encore, à Londres, parmi les musiciens du temps de Hændel. Dans le cercle de l’Academy of antient musick régnait une manie d’éclectisme archaïque, dont un des plus beaux exemples fut le compositeur Roseingrave, qui était atteint de folie palestrinienne : tous les meubles et les murs de sa chambre à coucher étaient couverts de portées de musique, extraites des œuvres de Palestrina. — En même temps, se faisait sentir dans toute l’Europe une réaction du goût populaire contre le goût savant : c’était la mode des petits lieder à la Bononcini, ou à la Keiser. — Hændel ne versa dans aucune exagération ; mais il prit aux deux courants ce qu’ils avaient de vivifiant.
  2. Lettre de lady Luxborough au poète Shenston, en 1748, — citée par Chrysander.