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CONDITIONS MATÉRIELLES ET MORALES

ment grand que lorsqu’il a contraint son orchestre ou le chant par un même trait. »

À quelques réserves près, qui tiennent à ce que Grétry assigne volontiers au drame musical les limites de sa propre nature, toutes ces réflexions sont justes, même profondes, et s’appliquent aussi bien à la littérature qu’à la musique : il ne s’agit que de les « transposer ». — Oui, il faut exclure du théâtre populaire « tout ce qui est fait pour être vu et entendu de près », « Il faut de grands traits, de grosses masses. » « Il faut travailler en grosses notes. » « Il faut peindre avec un balai. » — Adieu, les psychologies compliquées, les subtiles rosseries, les obscurs symbolismes, tout cet art de salons ou d’alcôves ! Qu’il continue, s’il peut, de traîner sa vie vieillotte dans les théâtres de l’ancien temps. Il serait dépaysé, ennuyeux, ridicule chez nous. Notre théâtre populaire est ramené par la force des choses à l’optique du théâtre grec. De larges actions, des figures aux grandes lignes, vigoureusement tracées, des passions élémentaires, au rythme simple et puissant ; des fresques, et non des tableaux de chevalet ; des symphonies, et non de la musique de chambre.[1]

  1. Ici encore, nulle étude plus précieuse que celle de ces représentations suisses, parfois données, comme en juillet dernier, à Lausanne, en plein air, devant 20.000 spectateurs. — Voici quelques-unes des observations que j’ai pu faire à ce sujet :

    1. — Il n’est point vrai que ces immenses théâtres ne puissent convenir, comme le disent les musiciens, qu’aux représentations musicales. Si l’acoustique est normale, la déclamation parlée porte juste aussi loin que la déclamation chantée, et beaucoup mieux que l’orchestre, qui, dans les théâtres en plein air, doit être réduit aux bois et aux cuivres ; car les cordes ne sont pas entendues.

    2. — Il va de soi que l’acteur ne peut observer les règles de jeu et de déclamation ordinaires. Il faut qu’il s’avance sur le bord de la scène, et articule très nettement toutes ses paroles. Par suite, s’impose à ce théâtre une convention nécessaire : une simplification de

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