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le théâtre nouveau

me trompe, ce sont les Français qui tireront les plus grands avantages de cet immense mouvement. »[1] À nous de réaliser sa prophétie. Ramenons les Français à leur histoire nationale, comme à une source d’art populaire ; mais gardons-nous bien d’exclure la légende historique des autres nations. Sans doute, la nôtre nous est plus immédiatement sensible, et notre premier devoir est de faire valoir le trésor que nous avons reçu de nos pères. Mais que les hauts faits de toutes les races aient place sur notre théâtre. Comme Cloots et Thomas Paine, faits membres de la Convention, comme Schiller, Klopstock, Washington, Priestley, Bentham, Pestalozzi, Kosciusko, nommés citoyens français par décret de Danton, — que les héros du monde soient aussi les nôtres. Surtout, qu’ils aient chez nous une seconde patrie, ceux qui furent les héros du peuple, dans les autres siècles et les autres pays. Que le Théâtre du Peuple recherche par tout l’univers les lettres de noblesse du Peuple. Élevons à Paris l’Épopée du Peuple européen.

Enfin, il ne suffit pas de nous faire les chantres du passé. Quand nous y aurons puisé des énergies nouvelles, ce n’est pas pour les garder inactives. L’ac-

    verra davantage, à travers les nationalités et le caractère particulier de l’écrivain, percer et briller cette idée générale… On reconnaît les idées les plus belles à ce signe, qu’elles appartiennent à l’humanité toute entière. »

    (Notes et fragments : à propos d’une traduction de romans allemands par Carlyle [1827])

  1. Goethe continue : « Ce sont les Français qui gagneront le plus à ce mouvement pour l’étendue du coup d’œil ; ils ont déjà le pressentiment que leur littérature exercera sur l’Europe l’influence qu’elle avait déjà conquise au milieu du dix-huitième siècle ; et, cette fois, l’influence exercée par des idées plus hautes. » 18 juin 1829, au comte Reinhard.
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