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au delà du théâtre

l’effort de l'humanité tend à restreindre le domaine de l'art, et à élargir celui de la vie. Un peuple heureux et libre a besoin de fêtes, plus que de théâtres ; et il sera toujours son plus beau spectacle à soi-même.

Préparons pour le Peuple à venir des Fêtes du Peuple.

Rousseau le réclamait déjà. Après ses âpres critiques du théâtre,

Quoi !

dit-il,

Quoi ! ne faut-il donc aucun spectacle dans une république ? Au contraire, il en faut beaucoup. C’est dans la république qu'ils sont nés, c’est dans leur sein qu’on les voit briller avec un véritable air de fête… Nous avons déjà plusieurs fêtes publiques ; ayons-en davantage encore, je n’en serai que plus charmé. Mais n’adoptons point ces spectacles exclusifs qui renferment tristement un petit nombre de gens dans un antre obscur ; qui les tiennent craintifs et immobiles dans le silence et l’inaction… Non, peuple, ce ne sont pas là vos fêtes. C’est en plein air, c’est sous le ciel qu'il faut vous rassembler… — Mais quels seront les objets de ces spectacles ? Qu'y montrera-t-on ? Rien, si l’on veut. Plantez au milieu d’une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête. Faites mieux encore : donnez les spectateurs en spectacle : rendez-les acteurs eux-mêmes ; faites que chacun se voie et s’aime dans les autres, afin que tous en soient mieux unis.

Et il rappelait les fêtes de Lacédémone, dont parle Plutarque :

Il y avait trois danses en autant de bandes, selon la différence es âges ; et ces danses se faisaient au chant de chaque bande. Celle des vieillards commençait la première, en chantant le couplet suivant :

Nous avons été jadis
Jeunes, vaillants et hardis.

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