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Romain Rolland

duits. Les auteurs y veulent introduire leurs œuvres, l’État son répertoire, ses acteurs, et ses fonctionnaires. C’est toute une comédie, où chacun joue son rôle ; mais il n’y a peut-être lieu pour personne de trouver là un sujet d’ironie : car il n’y a peut-être personne qui soit tout à fait à l’abri de l’ironie. Aussi bien il faut prendre les hommes comme ils sont, et ne pas décourager l’intérêt particulier de chercher à se confondre, ou de se confondre naïvement, avec l’intérêt général, pourvu que ce dernier en profite. Or il en est ainsi ; et, de ce grand mouvement qui s’étend avec trop de force et d’universalité pour que le bien n’y soit pas mêlé au mal, et la pensée de l’utilité publique aux soucis personnels, je ne veux retenir que deux faits : — C’est d’abord l’importance subite prise par le Peuple en art, — ou plutôt, l’importance prêtée au Peuple ; car le Peuple, comme d’habitude, ne parle guère, et chacun parle pour lui. — Et c’est, en second lieu, l’extraordinaire diversité des opinions qui s’abritent sous le nom général d’art populaire.

En réalité, il y a, parmi ceux qui se disent les représentants du Théâtre du Peuple, deux partis absolument opposés : les uns veulent donner au peuple le théâtre tel qu’il est, le théâtre quel qu’il soit. Les autres veulent faire sortir de cette force nouvelle : le Peuple, une forme d’art nouvelle, un théâtre nouveau. Les uns croient au Théâtre. Les autres espèrent dans le Peuple. Entre eux, aucun rapport. Champions du passé. Champions de l’avenir.

Je n’ai pas besoin de dire de quel côté s’est rangé l’État. L’État, par définition, et si paradoxal qu’il semble, est toujours du passé. Quelque nouvelles que

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