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le théâtre du passé

y a de pitoyable dans la nature humaine. Le Grand Roi riait aux éclats, quand Lulli, costumé en mufti, sautait par dessus la rampe, et enfonçait un clavecin à coups de pied et à coups de poing. Saint-Simon raconte de Versailles et de l’entourage de la duchesse de Bourgogne des farces énormes et méchantes, qui montrent la sauvagerie de la Cour. Les comédies de Molière sont accordées au diapason de son temps. Aujourd’hui, le peuple est plus au point que nous pour en jouir à son aise. Encore faut-il distinguer entre les peuples, si j’en crois ce qu’on m’a conté d’une représentation populaire de Georges Dandin en Russie. La pièce indigna les paysans, qui prirent violemment parti pour Dandin, contre la coquinerie de sa femme. — Nous n’en sommes pas là ; et le Mariage forcé est un des gros succès de nos Universités populaires. J’ai vu jouer à Gérardmer, sous la direction de Maurice Pottecher, le Médecin malgré lui ; et bien que les acteurs fussent des garçons et des fillettes du village, sans habitude du théâtre et même de la récitation, la pièce m’a semblé mieux à sa place qu’au Théâtre Français. Les essais qu’on a faits à la Coopération des idées, et dans les théâtres des faubourgs, du Bourgeois gentilhomme et du Malade imaginaire n’ont pas moins réussi. Ce sont œuvres populaires, semble-t-il, par la largeur du dessin, la robuste allégresse, le souffle d’épopée rabelaisienne. — Ne nous hâtons pourtant pas de conclure de notre idée de peuple au peuple tel qu’il est. Je voyais récemment le Malade imaginaire dans une des représentations populaires des Trente ans de Théâtre ; et certes le succès fut grand, — bien qu’on ait applaudi davantage dans la même soirée des déclamations

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