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le théâtre du passé

mais il est naturel aussi que ces œuvres passent avec leur époque, si elles valent par la thèse et non par la vie ; car il suffit d’une réforme sociale pour rendre le sujet indifférent. Ce genre de théâtre est utile à la société, au perfectionnement de laquelle il contribue ; il peut même être utile au public, qu’il fait penser. Mais il faut qu’il se renouvelle constamment. Puisqu’il est l’interprète d’un monde mouvant et en continuelle évolution, puisqu’il se fait l’auxiliaire et le conseiller des jurisconsultes et des législateurs, puisqu’il s’attaque à des plaies causées par les vices de l’organisation actuelle, et qu’un pansement peut apaiser, — presque tous ses sujets se démodent tous les vingt ou trente ans ; il en est peu qui aient un fond éternel ; et s’il en est un ou deux, je ne vois pas qu’un génie les ait traités de façon éternelle. C’est un art essentiellement de transition ; sa force d’aujourd’hui fait sa faiblesse de demain ; et si notre théâtre du peuple s’ouvrait à lui maintenant, il lui faudrait un répertoire nouveau. Car qu’est-ce que le peuple a à faire de problèmes bourgeois, restreints au monde bourgeois ? Il faudrait, en conservant le genre, le renouveler aussitôt, l’adapter aux conditions nouvelles.

J’ajoute que si le genre précédent : le drame poétique, manquait de bon sens et de vérité, celui-ci est par trop dénué de poésie. Il est borné, terre à terre, et pas plus que la comédie, n’offre un aliment assez généreux, — si substantiel soit-il, — à une nation qui doit fournir une étape dure et dangereuse, et qui a besoin que toutes ses puissances soient exaltées. — Dans ces dernières années, quelques grandes tentatives ont été faites chez nous, — sans parler de l’étranger, — pour ouvrir

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