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MONTEVERDE. 89

tombe; à Crémone, chez son père (1), il est pris d'une maladie nerveuse qui met sa vie en danger. A la douleur de ses plus chè- res affections brisées, se joignent les difficultés matérielles de sa vie, la gêne relative où il se trouve avec ses deux jeunes enfants, et l'ingratitude du duc qui ne lui a donné pour tant de peines, au- cune récompense, aucun témoignage de reconnaissance publique. Toutes les lettres de cette époque sont d'une amertume désespé- rée (2). Il y rappelle les exemples de ses illustres devanciers, sou- tenus par la faveur des princes, et compare leur situation à sa misère. A plusieurs reprises, il supplié le duc de lui accorder sa démission, « licenza con bona gratia; » il fait écrire par son père, il écrit lui-même que le climat de Mantoue lui est funeste et causera promptement sa mort (3). Le duc se contente de faire répondre par Chieppio, que Monteverde ait à revenir aussitôt, re- prendre son emploi. Un homme de notre temps imaginera sans doute plus aisément qu'un contemporain de Monteverde (et peut- être avec quelque exagération), de quelles souffrances devait être pour ce libre génie la cruauté d'un asservissement si durement rappelé (4). L'égoïsme et l'ingratitude de ses princes (5) ne dimi-

��II publie le Lamento d'Ariane en 1623, à Orvieto, puis en ajuste la musi- que à un Pianto délia Madonna, en 1640. De plus, en 1614, il l'a déjà arrangé à 5 voix (6 e livre de madrigaux).

(1) « Serenissima Signora. Claudio Monteverde mio filiolo , subito finite le solennissime feste di Mantova, venne a Cremona amalato gravamente con debiti , pocho ben vestito, con doi filiolini poveri cosi lassiati nella morte délia Signora Claudia aile spalle sue, etc. » (27 novembre 1608. Lettre de Baldesare Monteverde à la duchesse de Mantoue. — Arch. Gonzaga, Mantoue.)

(2) Dès 1604, sa correspondance avec le conseiller ducal Chieppio crie famine et implore assistance. Sa pension ne lui est même pas payée.

(3) « Se lui torna a Mantova sotto a quelle fatiche e aria, in brève li lasiera la vitta. » (Baldassare Monteverde. 27 novembre 1608.)

« L'aria, fra poco di tempo, sarebbe la mia morte. » (2 décembre 1608.)

(4) En 1609, le duc améliore d'ailleurs sa situation pécuniaire à Mantoue. Décret du 19 janvier 1609. — Mais on comprend comme Monteverde se sentira heureux ensuite dans la libre Venise, si respectueuse des artistes, et comme il aura peu le désir d'en sortir (Lettres du 13 mars 1620, en réponse à des offres pour l'attirer de nouveau à Mantoue).

(5) Le duc de Mantoue était pourtant le fameux Vincent I or , le protecteur de Rubcns, sur qui M. A. Baschet a publié des renseignements si intéres- sants dans la Gazelle des Beaux-Ails du 1 er mai 1866.

Vincent I** avait quarante-cinq ans en 1608. Il était d'une beauté remar- quable, voluptueux, galant, chevaleresque, joueur. Il délivra lo Tasse et L'emmena à Mantoue. Il fit trois expéditions contre le Turc. Sa somptuosité était célèbre en Europe. Il avait la passion de tous ceux de sa race pour

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