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DEVELOPPEMENT DE L OPÉRA ARISTOCRATIQUE EN ITALIE. 111

des plus intéressantes du temps, Gagliano s'y montre bien le successeur de Péri. Il proclame que « le vrai plaisir naît de l'in- telligence des paroles... La musique n'est pas tout; il faut bien autre chose, sans quoi toute harmonie serait de peu de prix, en- core qu'excellente. » Il critique l'emploi des ornements, gruppi , trilles, passages, qui ne servent pas au caractère ni à l'action. « Ne faites pas comme cet artiste qui , sachant bien peindre des cyprès, en faisait partout. » — « Il s'agit de bien détacher les syllabes pour faire clairement entendre les paroles. Ce doit être

��Gagliano mourut le 24 février 1642 , à Florence. Il était malade depuis quelques années déjà. En 1639, il ordonne de faire chanter quatre offices de vingt messes, pendant les quatre jours qui suivront sa mort. Il fait aussi distribuer des sommes aux pauvres.

Son portrait est à S. Lorenzo de Florence. UArchivio Gonzaga contient vingt-neuf lettres de lui, de 1607 à 1622, avec les Gonzague.

La seconde partie de sa carrière fut attristée par les attaques violentes de Muzio Effrem. Cet homme, élève du prince de Vënosa (pendant vingt- deux ans), maître de chapelle di caméra de Mantoue et musicien du grand-duc de Toscane, poursuit Gagliano de ses libelles (à propos de son 6° livre de madrigaux), qui courent l'Italie, sans que Gagliano puisse les lire, et qui font grand tort à sa réputation. Gagliano somme Effrem de s'expliquer; ce qu'il fait enfin en janvier 1623, du ton le plus insolent, dans ses Censure sopra il sesto libro di Madrigali. C'est l'Artusi de Ga- gliano ; mais il ne garde aucune mesure. « L'opère vostre, » lui écrit-il, « meritano piu tosto di star sepolte nelle ténèbre che di goder la luce. » Il lui oppose Turco (son élève), Cifra, Agazzari, Teofilo, Vitali, Giovanelli, Monteverde et Frescobaldi. Il s'offre même pour lui apprendre la musique, comme il l'a apprise aux jeunes gens, en leur montrant ses fautes. Il fait imprimer dans son livre un de ses propres madrigaux, comme modèle, « ac- ciô studiandolo, possiate venire in cognitione, quali siano le regolate bel- lezze. » Il lui reproche de maintenir mal le ton initial, de mal conduire les voix, de finir toujours avec les mômes formules. Il s'indigne surtout contre ses hardiesses; reproche singulier, quand il s'adresse à Gagliano, qui est bien plutôt l'homme de la règle et des traditions, comparé à Monteverde qu'on lui oppose ; ses hardiesses sont toutes calculées et raisonnées. Gagliano se défend d'ailleurs avec noblesse et intelligence. Il revendique le droit du génie à s'affranchir des règles. « Interviene ancora che tal volta l'uscir di regola cresce non poca bellezza ail' opéra si come mi vien detto esserno molti esempi in architetture eccellenti, e nelle musiche di quoi grand' ho- mini che noi più stimiamo, son frequentissimi ; le quali sregolate bellezzc, a chi non s'avanza troppo oltre nell' esperienza, posson esser tenute gros- sissime inavertenze, ed errori da principianti. » (Lettre publiée dans la Basse générale des Sacrse Cantiones, lib. II, Venise, 1622.)

Les artistes donnèrent raison à Gagliano-, mais il fut profondément affecté de ces attaques contre sa réputation, « qu'il estimait à l'égal do sa vie. » « Non mi son potuto più contenero, » dit-il, « di non movormi a difendore essa riputazion mia, come quella dee stimarsi al par délia vita propria. » (/d.)

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