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DÉVELOPPEMENT DE L'OPÉRA ARISTOCRATIQUE EN ITALIE. 137

d'ailleurs très pittoresques et sembleraient appeler les ressources de l'orchestration moderne. C'est ainsi qu'Armide, voulant con- naître Tétat de Jérusalem assiégée, depuis son départ du camp, la fait apparaître au lointain. Soudain, à travers l'horizon, la ville poind, les tours surgissent, Argant lance aux chrétiens ses provocations arrogantes, les Sarrasins s'excitent au combat; puis tout s'éteint de nouveau, dans le silence du désert(l). — C'est ainsi encore qu'Armide lance les Furies sur le camp des chrétiens (2). Un gouffre infernal s'ouvre; le ciel s'obscurcit; une terrible pluie mêlée de grêle et de vent éclate; les Furies, assises sur des chars traînés par des dragons, s'envolent dans les airs; l'ou- ragan passe sur les champs et les collines ; et tandis que le ciel renaît, les paysans terrifiés s'interrogent à mi-voix sur la cause de cette mystérieuse tempête. — * Ces tableaux fantastiques, cette imagination des décors et des machines, sont dangereux ; ils écrasent les autres éléments de l'œuvre, la musique et la poésie. L'équilibre des arts , qui était le caractère même et l'ori- ginalité de l'opéra dans l'esprit de ses fondateurs , était ainsi détruit. Pour lutter contre la tyrannie de la mise en scène, il eût fallu les démons de l'orchestre moderne. Le dix-septième siècle en était bien loin. Wagner peut se permettre toutes les fantasma- gories. Que le Rhin déborde sur la scène ; que les nuées s'entre- choquent en des éclats de tonnerre, et que le pont de l'arc-en-ciel soit jeté à travers les airs, sa musique sera toujours mille fois plus prestigieuse que ses machines, et sa raison dominatrice saura pétrir en une œuvre d'art unique l'énorme masse d'élé- ments qu'il combine. Michelangelo Rossi disparaît derrière ses

��lente in inventare, ordinare, e governare si fatte machine, o teatri, quanto testificano la maraviglia, e l'applauso universale. »

La lettre sur la première représentation, imprimée avec la partition, décrit longuement les jeux des machines. « ...I piacevoli inganni délie machine, e délie volubili scène, impercettibilmente fecero apparire, hora annichilarsi una gran rupe , e comparirne una grotta, et un fiume, dal quale si vide sorger prima il Giordano, e poi le Naiadi; hora venirsene Amore à volo, et appresso nascondersi frà le nuvole; hora per i sentieri dell' aria in un Carro tirato da Draghi portarsi Armida, et in un baleno sparire; hora can- giarsi l'ordinaria Scena in campo di guerra, le Selve in padiglioni, e le prospettive del Teatro in muraglie dell' assediata Gerusalemme; hora da non s6 quai voragine di Averno far sortita piacevolmente horribile i De- monii in compagnia di Furie, le quali insiemo danzando, et assise poscia in carri infernali per l'aria se ne sparissero..., etc. »

(1) Acte II, se. 7, p. 85.

(2) Acte III, se. 3, p. 117.

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