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140 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

La langue en est élégante, et les pensées souvent fines; mais le sens dramatique est médiocre; les prosopopées de sermons font singulière figure sur la scène. Ainsi cette ombre de Cleo pâtre , qui dans un oratorio , vient pleurer et se désespérer en compa- rant sa vie à celle de l'héroïne chrétienne. On sent pourtant un effort pour renouveler la matière de l'opéra, une tendance à met- tre sur le théâtre la vie moderne (1).

Il tâche de relever le noble genre de l'oratorio ; il lui con- serve son ancienne forme symbolique et allégorique, et s'efforce de lui donner une vie nouvelle, par la finesse de l'observation psychologique et la délicatesse élégante du style. Sa pièce la plus fameuse en est un exemple : c'est la Vita humana, overo il trionfo délia Pieta(2). Elle doit sa célébrité relative au' faste dont fut entourée la représentation, et à la présence de Christine de Suède , à qui elle est dédiée (3).

��Didimo e Teodora, qu'il serait curieux de comparer à la Théodore de Corneille.

(1) Chi sofre, speri, 1639, où l'on voit une vraie foule romaine. — Dal maie il bene, 1653, dont il rapporta le sujet d'Espagne, d'une comédie de Calderon « Le pire n'est pas toujours certain ». — La Comica del Cielo, ovvero la Baltasara, 1667, qui offre la nouveauté d'un théâtre dans un théâtre, comme Saint-Genest et Hamlet.

C'est l'histoire d'une comédienne espagnole qui renonce au théâtre et au monde pour se faire pénitente et ermite. Comme contraste, une Béatrice qui profite de ce que la compagnie comique se dissout après le départ du premier rôle, pour se donner aux Turcs et se faire musulmane. Baltasare a naturellement un amant, dont les larmes et le désespoir la torturent. Le Diable s'épuise à la tenter; le Ciel la soutient. A bout de prières, l'amant désespéré se jette dans la mer; Baltasare court à lui pour le sauver, mais un rocher s'écroule et lui barre la route. Entre temps, les Turcs livrent un combat naval aux Espagnols; ils sont vaincus. Béatrice, échappée de la galère capitane, est poursuivie; elle se réfugie dans l'ermitage de Baltasare qui la sauve, et devient pénitente à son tour. Baltasare meurt d'épuisement.

(2) Marco Marazzoli, La Vita humana, overo il Trionfo délia Pietà, dramma musicale, rappresentato e dedicato alla Serenissima Regina di Svetia. Rome, Mascardi, 1658. Jouée le 31 janvier 1656 (Exemplaires à Rome, Bibl. Sainte-Cécile et Barberini; et à Berlin, Kônigl. Hochschule fur Musik).'

L'édition est ornée de gravures, comme le Saint Alexis de Landi. La dernière vignette offre une vue intéressante du Tibre et du château Saint- Ange pendant la célèbre girandola (l'illumination romaine).

(3) Elle arrivait à peine à Rome (fin de 1655). Elle fut reçue par des fêtes triomphales. Alexandre VII crut que cette conversion était la gloire de son règne. Sur son passage, à Innspruck, le 3 novembre 1655, on avait joué un somptueux opéra, et le lendemain , ÏArgia de Cesti. Christine avait eu à sa cour de Stockolm le plus grand chanteur italien, Baldassare Ferri.

Le récit de ces fêtes romaines se trouve tout au long dans les relations

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