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166 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

accès de rage folle , s'épuise à faire sortir les mots de sa bouche tremblante, d'où coule comme d'un goulot trop étroit, un flot rebondissant de syllabes bégayantes. C'est du Rossini, moins généreusement doué, mais plus soucieux de l'art. Dans la partie amoureuse de la pièce, qui (suivant la règle ordinaire de la co- médie) est tenue à l'abri de la bouffonnerie, par une sorte de scrupule délicat et de respect de l'amour, Melani montre une tendresse poétique et un fin sentiment de la nature (1), qui est comme un écho de notre charmant Rameau.

Le Potestà de Colognole fit naître d'autres œuvres du même style. Moniglia écrivit coup sur coup II Pazzo per forza (1658); II Vecchio burlato (1659), et la Serva Nobile (1660), les deux pre- mières avec musique de J. Melani (2); l'autre, de Domenico Anglesi. Le théâtre de la Pergola, protégé par le prince cardinal Gio-Carlo de Medici, menait une brillante carrière; il avait une excellente troupe de chanteurs, un poète et des musiciens ordi- naires. Malheureusement, le cardinal G. -Carlo mourut le 23 jan- vier 1662 ; Ferdinand II fut remplacé par Cosme III, ennemi des théâtres et des amusements, et ce jeune et vigoureux développe- ment fut brusquement arrêté. Le théâtre fut fermé pour plus de vingt-cinq ans.

Mais le mouvement était trop fort. Ce n'était plus ici la tenta- tive isolée d'un groupe littéraire. Moniglia était à la vérité un lettré curieux de réalisme, à la façon de nos beaux esprits pari- siens qui se travaillent à parler la langue d'un peuple qui est loin d'eux. Mais tout autour de lui , le vieil esprit national, le génie malicieux de la commedia dell'arte se réveille. Les défenseurs atti- trés de l'art classique résistent mollement, fatigués, désireux de changement. La bourgeoisie méprisée prend conscience qu'elle est maîtresse du théâtre par les artistes, qui sortent presque tous de son sein ; et dès que l'opéra devient public à Venise, à Naples

la comédie italienne à ceux de Molière. Il n'y a presque rien de changé. C'est la même carrure et l'ample belle humeur.

(1) Acte I, scène x.

(2) Il ne faut pas confondre Jacopo Melani avec ses cousins, Atto et Ales- sandro Melani. D'Alessandro Melani, la Biblioth. Nat. de Paris possède : II Carceriere di se Medesimo, mss. obi., 785, et un oratorio : Exurge quare obdormi ad me, à 5 voix, 2 violons, alto, fagotto et orgue, 447; — la Biblioth. Chigi : L'Empio punilo , par. Fil. Acciajoli ; un Scherzo pasto- rale, par. Car. Mencin'i, et des Arie.

D'Atto Melani, un fripon, un aventurier d'esprit, qui s'attacha à la fortune de Mazarin, la Bibl. Nat. a 6 Arie. Ulstituto musicale de Florence possède un certain nombre de ses Lettres autographes.

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