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LES ESSAIS D'OPÉRA POPULAIRE EN ITALIE. 167

et à Rome, elle y imprime sa marque réaliste, pratique, gogue- narde, un peu épaisse. Le triomphe de la musique absorbant peu à peu le meilleur des forces dramatiques de l'Italie , il serait impossible de faire l'histoire du théâtre italien au dix-septième siècle, sans une étude attentive de l'opéra. On l'a trop méprisé. Notre opéra français, tout entier sorti de la convention, n'ap- prend rien de précis sur la cour et }a. ville ; il ne parle pas pour elles ; on sent bien qu'on n'est pas là pour son plaisir , mais pour une sorte d'édification artistique. Il n'en est pas de même chez les Italiens. Bonnes ou mauvaises, et plutôt mauvaises que bonnes, leurs pièces sont pour eux, et toutes remplies d'eux- mêmes. Ils consentent volontiers à ce que le beau n'y soit pas observé, pourvu qu'ils y trouvent leur plaisir.

��La vie moderne se taille surtout une large place dans l'Opéra vénitien.

Les sujets, comme ceux de l'opéra florentin, en sont il est vrai empruntés à l'antiquité ; mais cette antiquité est presque toujours romaine; elle prête davantage à l'observation réaliste et au spectacle de la vie; puis, elle a un caractère patriotique; c'est au fond la légende de la patrie. D'ailleurs, les titres seuls sont anciens ; les personnages sortent directement de la société moderne ; leurs aventures et leurs pensées se réduisent aux intri- gues et aux galanteries des cours italiennes du dix-septième siè- cle. Je ne sais si la faute en est à l'impuissance des artistes à penser antique, ou aux exigences du public qui veut s'amuser au théâtre ; mais nous devons à ces faiblesses, de curieux aperçus sur l'âme italienne de la décadence.

Les héros sont des usurpateurs, des conquérants, des préten- dants , des condottieres. Les épisodes sont des chasses à l'héri- tage ou à la couronne, des mariages d'état, des enlèvements, des substitutions d'enfants, des conspirations, des massacres, des travestissements. C'est partout le triomphe de la ruse, un ma- chiavélisme abâtardi. Il y a des exceptions : des serviteurs ou des amis dévoués, des femmes dont l'amour conjugal va jusqu'à l'héroïsme; mais tous, et les meilleurs mêmes, poursuivent leur but par le mensonge. Ce n'est assurément pas le meilleur de la vie populaire et du caractère italien; encore cela est-il précieux par sa vérité et son naturel. Depuis 1660, les épisodes comiques se mêlent au drame; chez Aureli, ils alternent régulièrement

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