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LES ESSAIS D'OPÉRA POPULAIRE EN f ITALIE. 193

et dans l'analyse des sentiments. La musique donne une idée encore plus haute de Provenzale.

Après un prologue, où 1* Amour prisonnier de la Beauté n'ob- tient sa liberté qu'après avoir promis de rester à son service et d'enchaîner les hommes à ses liens, le poète nous transporte au pays des Amazones et nous trace le récit de l'expédition d'Her- cule et de ses compagnons, Thésée, Atreste et Timante. Ils sont vainqueurs après un combat acharné; mais c'est presque aussi- tôt pour tomber aux genoux , Thésée d'Hippolyte , Hercule de Ménalippe. Or Timante n'est pas Timante : c'est Leucippe, époux de Ménalippe. Sauvé du massacre que les Amazones ont fait de leurs maris, et toujours amoureux, il est venu se faire condottiere d'Hercule pour revoir celle qu'il aime et qui ne pense plus à lui. L'amour de Ménalippo pour Thésée qui la repousse, t«a jalousie, celle d'Hercule et de Timante, celle même d'Hippolyte qui se croit trahie par Thésée, la grandeur d'âme d'Hercule qui se sacrifie à son ami quand il sait son histoire, les doléances d'une vieille Amazone (Melinta) , qui tremble toujours pour son hon- neur, et conspire en vain contre lui, le bon sens bouffon du Napo- litain Sciarra et l'ironie irrévérencieuse du page Lucillo remplis- sent la pièce (1) qui est agréable, vive, pleine de fantaisie et d'imprévu, et parfois bien écrite, en style alerte et dramatique. Les caractères ne sont pas mal tracés. Celui d'Hercule, qui se sent brûlé d'amour, avant de savoir de qui il est amoureux (2); celui

��(1) Il s'y môle un épisode de tragicomédio italienne. Timante, chargé par l'amoureux Hercule de commander l'armée en son absence, la fuit pour surveiller Ménalippe, fait répandre le bruit de sa mort, et se déguise en esclave prisonnier qu'Atreste présente à Hercule sous le nom de Sélim. Sélim se met tout aussitôt à parler le turc de Molière, et Hercule en fait présent à Mé- nalippe, enrichi d'un affreux calembour que lui inspire la galanterie. « Se schiavo so'io di barbaro core, h chi tiene le catene, per mostrar che per Ici moro , mand'il cor per man d'un moro , à chi tiene lo catene. » — Ce mé- lange de comédie italienne, do tragédie grecque, de persiflage napolitain et de majesté romaine, ne choque point gcàce à la verve facile do l'auteur, et à l'exubérance de vie qui l'anime d'un bout à l'autre.

(2) Acte I, scène 13 :

Thésée : D'où vient le trait d'amour qui te frappe?

Hercule : De celle-ci (il montre Hippolytc).

Thésée : O dieux! qu'entends-je!

Timanle : Je respire...

Hercule : Je voulais dire : d'abord ; mais ensuite...

Timante : Ohimo !

Hercule : Mon amour revient à cello-là (il montre Ménalippe), et s'y tient.

Timanle : O dieux! qu'entonds-je!

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