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INTRODUCTION. 7

vante qui transporte au cœur de la foule l'esprit de l'Evangile. Ils l'avaient hérité de l'antiquité grecque, et il n'est plus douteux que la tragédie d'Eschyle ou d'Euripide, et la comédie d'Aristo- phane, aient réalisé, voici vingt siècles, l'harmonieuse union des arts dans le théâtre, que Wagner voulut retrouver (1).

Mais dans l'histoire de la civilisation , les premiers inventeurs comptent souvent moins que ceux qui rétablirent la tradition in- tellectuelle et pratique, qui nous fit ce que nous sommes. Les idées se sont perdues dans le monde à plus d'une reprise; et com- bien de fois a-t-il fallu les inventer à nouveau pour que l'huma- nité en eût enfin conscience! En art, les derniers inventeurs sont plus importants que les premiers, bien que souvent moins grands. Les uns donnent à nos idées leurs lettres de noblesse; les autres, la forme définitive sous laquelle elles vivront, nourries de leur pensée et vraies filles de leur âme.

Il en est ainsi du drame musical moderne. Les éléments lyri- ques conservés de l'antiquité au moyen âge n'eussent jamais suffi à lui donner naissance; il fallait une cause nouvelle. Bien que l'histoire d'aujourd'hui, éprise des infiniment petits et des évolutions indéfinies, n'admette guère pour les idées les commen- cements soudains, le drame lyrique, perdu au quinzième siècle, naît véritablement à la fin du seizième. Il eut même grand peine à s'élever de nouveau dans la pensée moderne. Et si le souvenir confus de l'art antique ne lui fut pas d'un médiocre secours, ce n'est pourtant pas dans cet art, aux exemples inconnus, qu'il faut chercher ses origines ; c'est dans le réveil de la personnalité, dans un effort de la raison, et l'observation de la nature, comme ledit le plus illustre des précurseurs de Lully, Monteverde (2). Il ne se- rait pas plus légitime d'étudier, à propos de leurs essais , les œuvres du moyen âge qu'ils ignoraient, ou de l'antiquité, à peine entrevue de nos jours , v que de faire l'histoire de la peinture an- tique à propos de celle de la Renaissance.

��(1) On sait que Wagner s'est souvent réclamé, pour ses réformes, de ces lointains souvenirs. Il semblerait même que le théâtre grec ait été plus près que le nôtre du véritable idéal du drame lyrique, si l'on admet les savantes études modernes, fondées sur la croyance à une musique inhérente à la poésie grecque, à une musique intérieure, liée aux vers par la métrique, qui serait déjà une musique à elle seule, et comme le squelette des rythmes musicaux dépouillés de leurs mélodies. — Gevaert, Histoire et théorie de la musique grecque, 2 vol. grand in-8°, 1875-81. A. Croiset , La poésie de Pindare et les lois du lyrisme grec, in-8°, 1880.

(2) Melodia overo seconda pratica musicale, 1634, Venise. Voirchap.lV.

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