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L'OPÉRA EN FRANCE. 269

sens et l'esprit, n'ayant plus à désirer le charme du chant dans une pure représentation , ni la force de la représentation dans la langueur d'une continuelle musique. »

Il est douteux que Corneille et Racine aient eu connaissance des vœux de Saint-Evremond ; tous deux ont cependant agi d'après ces règles. L'Andromède (1) est un essai de ce que la mu- sique peut apporter de charme mystérieux et d'illusion fantasti- que dans la tragédie humaine (2). Esther (3) et Athalie (4) mar- quent le point le plus haut où se soit élevé l'art dramatique français, paré de toutes les richesses de la vie réelle, de la poésie et de la musique. Qui ne sent la grandeur épique qu'ajoute l'em- ploi des chœurs à la tragédie de Racine? C'est l'âme du peuple d'Israël qui remplit de son souffle une page de son histoire. Rien ne rappelle de plus près le drame de Sophocle. On sourit en pen- sant que Wagner crut s'en rapprocher davantage avec le torrent

��(1) Janvier 1650. Salle du Petit-Bourbon.

(2) Corneille, moins finement artiste que Racine et Molière, moins sensiblo à la grâce des doux sons, relègue avec hauteur la musique dans les scènes de machines et d'action, loin des beaux dialogues où triomphe la raison.

« Vous trouverez cet ordre gardé dans les changements de thécàtrc , que chaque acte, aussi bien que le prologue, a sa décoration particulière, ou du moins une machine volante, avec un concert de musique que je n'ai em- ployé qu'à satisfaire les spectateurs , tandis que leurs yeux sont arrêtés à voir descendre ou remonter une machine, ou s'attachent à quelque chose qui leur empêche de prêter attention à ce que pourraient dire les acteurs, comme fait le combat de Persée contre le monstre; mais je me suis bien gardé de faire rien chanter qui fût nécessaire à l'intelligence de la pièce, parce que, communément, les paroles qui se chantent étant mal entendues des auditeurs pour la confusion qu'y apporte la diversité des voix qui les prononcent ensemble, elles auraient fait une grande obscurité dans le corps de l'ouvrage , si elles avaient à instruire l'auditeur de quelque chose d'important. » (Préface d'Andromède.)

La musique fait donc pour lui partie du décor; il le dit clairement.

La Toison d'Or, « représentée par la troupe royale du Marais, chez M. lo marquis de Sourdéac, en son château de Neufbourg, pour réjouissance pu- blique du mariage du roi » (1060), « et ensuite sur le théâtre royal du Marais, » a dû servir de modèle aux premiers opéras do Quinault. Sourdéac, Comme nous avons vu, devint un des associés de Perrin et Cambert.

(3) « Je m'aperçus qu'en travaillant sur le plan qu'on m'avait donné, j'exécutais en quelque sorte un dessein qui m'avait souvent passé dans l'es- prit, qui était de lier, comme dans les anciennes tragédies grecques, lo chœur et le chant avec l'action. » (Préface d'Es*/ier, 1689.)

(4) « J'ai essayé d'imiter des anciens cette continuité d'action, qui fail que leur théâtre ne demeure jamais vide, les intervalles des actes n'étant mar- qués que par des hymnes. La scène de la prophétie, qui est uno e d'épisode, amène très naturellement la musique. » (Préface iV.Ulialir, 1091.)

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