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DE L'UNION DE LA MUSIQUE ET DU DRAME. 23

Vienne le génie, et l'harmonie de tous les arts associés en un seul , rêve de tant de siècles, enfin, sera accomplie (1).

(1) « Je me mis à chercher ce qui caractérise la décadence du grand art grec, et cet examen me tint longtemps. Je fus frappé d'abord d'un fait sin- gulier, c'est la séparation, l'isolement des différentes branches de l'art réu- nies autrefois dans le drame complet... Les arts avaient fourni , par leur concours, le moyen de rendre intelligibles à un peuple assemblé les buts les plus élevés et les plus profonds de l'humanité; puis ils s'étaient éloignés, et désormais, au lieu d'être l'instituteur et l'inspirateur de la voix publique, l'art n'était plus qu'un passe temps d'amateur, et, tandis que la multitude courait aux combats dont on faisait l'amusement populaire, lesplus délicats égayaient leur solitude en s'occupant de lettres ou de peinture... Je crus ne pouvoir m'empêcher de reconnaître que les divers arts isolés , cultivés à part, ne pouvaient, à quelque hauteur que de grands génies eussent porté leur puissance d'expression, essayer, sans retomber dans leur rudesse native et se corrompre fatalement , de remplacer d'une façon quelconque cet art d'une portée sans limite qui résultait de leur réunion. Fort de l'autorité des plus émincnts critiques, et en particulier des recherches d'un Lessing sur les limites de la peinture et de la poésie, je trouvai que chaque art tend à une extension indéfinie de sa puissance , que cette tendance le conduit finalement à sa limite, et que cette limite, il ne saurait la franchir sans courir le risque de se perdre dans l'incompréhensible, le bizarre et l'absurde. Arrivé là, il me sembla voir clairement que chaque art demande, dès qu'il est aux limites de sa puissance, à donner la main à l'art voisin; et je suivis cette tendance dans chnque art particulier. II me parut que je pouvais la démontrer de la manière la plus frappante dans les rapports de la poésie à la musique, en présence surtout de l'importance extraordinaire qu'a prise la musique moderne. Je cherchais ainsi à me représenter l'œuvre d'art qui doit embrasser tous les arts particuliers et les faire coopérer à l'action accomplie. J'arrivai par cette voie à la conception réfléchie de l'idéal dra- matique, qui s'était obscurément d'abord formé en moi. La situation subor- donnée du théâtre dans notre vie publique, situation dont j'avais si bien reconnu le vice, ne me permettait pas de croire que cet idéal pût arriver de nos jours à une réalisation complète: je le désignai donc sous le nom d'Œuvre d'art de l'avenir. » (Wagner, 1850.)

Je m'appuierai souvent, au cours de cette étude, sur le nom, l'exemple, ou les réflexions de Wagner. Cela ne m empêche point de réserver toute mon indépendance d'esprit et de sentiment. Mais on est bien forcé d'en revenir à lui, non seulement parce qu'il est le terme de notre évolution musicale, et comme la synthèse des progrès accomplis avant lui, mais sur- tout parce qu'il est à peu près le seul musicien du siècle qui ait longue- ment médité sur la musique et sur l'art dramatique. — Voir R. Wagner, Gesammelte Scliriften und Dichlungen. 10 vol. Leipzig.

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