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LE MADRIGAL DRAMATIQUE. 29

réponse, qui fiévreusement l'attend. Il faut n'avoir point lu de telles pages, pour croire que la musique a dû son expression dramatique à l'effort littéraire des archéologues de la fin du sei- zième siècle. Du premier coup, la musique, et même la musique dramatique, a atteint son faîte. Ce serait mentir que parler de progrès depuis Palestrina; il ne peut être question que de chan- gements. Plus larges, plus vivants, Bach, Beethoven et Wagner seront à peine aussi hauts. La musique ne peut s'élever davan- tage; elle se rapprochera seulement davantage de nous. Le drame religieux et mystique de Palestrina n'est pas assez humain, au sens un peu médiocre de l'humanité commune ; il est d'élite et d'exception. Le drame musical qui va naître à la fin da seizième siècle parle à nos intérêts et nos soucis journaliers, aux jeunes gens passionnés , aux hommes mêlés à l'action ; spectacle de la vie , il s'adresse à la vie. L'art de Palestrina s'adresse à ceux qui sont déjà sortis de la lutte, aux sages qui ont vécu, et pacifié leurs souffrances. De là ses rencontres avec le Wagner épuré de Par- si fal (1). Encore ses extases et ses plaintes sortent-elles d'une âme plus virile et d'un cœur plus pur (2).

Cette tendance expressive et dramatique de la musique reli- gieuse est encore plus sensible chez d'autres maîtres de l'école ro- maine, et surtout dans le génie moins pur et plus sombre de l'Espagnol Vittoria (1540-1608), continuateur de Palestrina. D'instinct, et sans s'en rendre compte, ils créent l'un des éléments de la tragédie lyrique , l'expression musicale de la vie inté- rieure (3).

��Dans le même temps , la musique mondaine cherche à s'appro- prier l'autre élément du drame : Faction , le mouvement, les for- mes passagères et le jeu des couleurs. Elle veut peindre des ta-

��(1) Cf. les répons à trois voix soli (deux soprani et un alto) des Nocturnes de la Semaine sainte (et en particulier des deux premiers : « In monte Oli- veti » et « Tristes est anima »), qui laissent tomber de mystiques hauteurs, comme la parole céleste de la coupole de Parsifal, la dernière phrase où se concentre toute l'émotion de la scène et renseignement chrétien. Cf. en- core, aux plaintes d'Arafortas, le motet cité plus haut : « Peccantem. »

(2) L'ouvrage le plus important sur Palestrina est celui de Baini G., Me- morie sloricocritiche délia vita e délie opère di Giovanni Pierluigi da l'uleslrina, in-4o, 1828.

(3) Ils sont naturellement retenus dans certaines provinces de l'àmo : la douleur, la tristesse, la tendresse, les émotions tempérées.

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