Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

08 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

cœur ingénu, de véritable artiste, et tout pénétré de musique. Quelques mots discrètement émus de ses préfaces le font aimer plus que des éloges de commande. On lui sait un gré infini de « ces gracieuses musiques, qu'il entend résonner dans son âme (1), » et qu'il écrit « pour le soulagement des cœurs oppres- sés (2); » de son enthousiasme si gentiment naïf pour son bel art, « le plus excellent de tous, celui qui ne souffre pas la médio- crité, » et dont il s'excuse aimablement à la fin de ses Nuove Mu- siche (3). « Si je me suis laissé entraîner plus loin qu'il n'était peut-être convenable, mon excuse sera le grand amour que j'ai pour la musique, par inclination de nature, et travaux de tant d'années (4); cet art si beau et si charmant, devient admirable et prend tout notre amour, quand ceux qui en ont la charge l'égalent par leurs efforts à ces sublimes harmonies célestes , dont rayonne tant de bien sur la terre, éveillant les intelligences à la contemplation des délices infinies goûtées dans le Paradis. » Cette nature artistique le sauve des exagérations de sa théorie. Esprit flexible, il n'a rien de sec ni d'exclusif. « Pas de règles sans exceptions (5). » Il est hardi , et l'habitude des libres dis- cussions chez Bardi lui a donné la conscience du droit de son génie à se développer suivant ses lois , et à n'accepter de règles que de sa raison. Mais il est protégé contre les dangers d'une originalité factice , par son bon sens et le caractère humain de

(1) « ...musiche di quella, intera grazia, ch' io sento nel mio animo riso- nare , io ne possa in questi scritti lasciare alcun vestigio... » (Nuove Musiche.)

(2) « ...per sollevamento talvolta degli animi oppressi. » (Nuove Musiche.)

(3) Le Nuove Musiche di Giulio Caccini dctto Romano. Florence, Mares- cotti, 1601 (Exemplaires au Conservatoire et à la Bibl. Nat. de Paris, et en beaucoup de bibliothèques). — Nouvelles éditions : en 1607 (Venise, Raverii), 1608 (Venise, Vincenti), 1615 (Venise, Vincenti), 1614 (Florence, Zanobi Pignoni), etc.

(4) « L'amor délia musica acceso in me per inclinazione di natura, e per gli studi di tanti anni, mi scuserà se io mi fosse lasciato trasportar piii oltre, che forse non conveniva a chi non meno stima lo imparare, che il comu- nicar lo 'mparato, et alla reverenza, che io porto à tutti i professori di quest' arte : la quale bellissima essendo , e dilettando naturalmente , allora si fa ammirabile, e si guadagna interamente l'altrui amore, quando coloro, che la posseggono , e con lo 'nsegnare , e col dilettare altrui esercitandola spesso, la scuoprono, e appalesano per un esempio, e una sembianza vera di quelle inarrestabili armonie celesti, dalle quali derivano tanti béni sopra la terra, svegliandone gl' intelletti uditori alla contemplazione de i diletti infiniti in Cielo somministrati. » (Nuove Musiche.)

(5) « Il giudizio spéciale fa ad ogni regola patire quâlche eccessione. » (Nuove Musiche.)

�� �