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l'antiquité et le drame lyrique florentin. 69

son art. « Je ne me suis jamais tenu aux banales limites où s'arrêtent les autres ; j'ai toujours été explorant et cherchant le plus de nouveautés possible , pourvu toutefois que la nouveauté soit apte à mieux accomplir la véritable fin de la musique , qui est de plaire et d'émouvoir (1). »

La haute idée qu'il a de son art le rend très sévère pour les autres comme pour lui-même. Le musicien n'est pour lui, ni un virtuose ni un penseur; c'est un homme, dans la plus noble ac- ception du mot, un homme complet, ayant à la fois la techni- que et l'intelligence générale de son art (2).

L'importance de Caccini dans la réforme de Florence est dou- ble. 11 ne forme pas seulement une école de compositeurs, mais une école de chanteurs, et donne les exemples du nouveau style et les leçons du nouveau chaut (3).

Il raconte lui-même l'histoire de ses découvertes. Après avoir rendu hommage au comte de Vernio et à sa société, il dit qu'il fut encouragé par eux à se défaire de cette musique qui ne tient pas compte des paroles et déchire la poésie (4), et à retrouver la manière dont parlent Platon et les philosophes antiques (5). Pour eux , la musique est constituée par trois éléments essen- tiels : 1° la parole (favella) ; 2° le rythme, et, en dernier, le son. Le contrepoint s'écartait absolument de ce but; les chants soli d'alors, avec accompagnement d'instruments à cordes (6), n'étaient

(1) « Ma perche io non mi sono mai quietato dentro à i termini ordinarii et usati da gli altri, anzi sono andato sempre investigando più novità a me possibile , pur che la novità sia stata atta à poter meglio conseguire il fine del musico, cïoè dilettare, e muovere l'affetto dell' anirno.» (Nuove Musiche.)

(2) Dans la profession de musicien, dit-il « (per l'eccellenza sua), non ser- vono solo le cose particolari, ma tutte insieme la fanno migliore. » {Nuove Musiche.)

(3) Ses deux filles, Settimia et Francesca , sont parmi les plus célèbres chanteuses du siècle. Francesca est même un compositeur dramatique do grand talent. Voir chapitre V.

(4) « Laceramento délia poesia. » {Nuove Musiche.)

(5) o... Ma ad attenermi a quella maniera cotanto lodata da Platone e altri Filosofi, che affermarano la musica altro non essere che la favella e '1 ritmo, ed il suono per ultimo, e non per lo contrario. » (Nuove Musiche.)

(G) Caccini lui-même avait composé de ces chants, avant de penser au style proprement récitatif. S. Bonini (dans Lafage, Essais de diphtérogra- pliic) cite notamment le O Benedctlo giorno do 1589, et dit que ce fut lo premier spécimen de monodie. « Giulio Caccini, à S. Spirito do Florence, « entro ad una nuvola, » chanta, à l'arrivée do M" 10 Cristiana de Lorraine, O Denedetto giorno, dont le titre lui est longtemps resté comme surnom. » Picro Bartli confirme que Caccini « se sentait naturellement porté vois la nouvelle musique, » avant d'étiu confié à la direction de son père.

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