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l'antiquité et le drame lyrique florentin. 81

des fêtes florentines lui ont donné une grande entente du côté pratique et technique des représentations.

Il importe d'y insister. Ses avis sont très judicieux, et les grands auteurs dramatiques les ont souvent repris jusqu'à nos jours. De plus ils complètent les renseignements de Péri, et nous donnent une idée précise et exacte du premier théâtre d'opéra (1).

La salle ne doit pas contenir plus de mille spectateurs, commo- dément assis, dans le plus grand silence. Les salles plus vastes sont d'une mauvaise acoustique; elles obligent Je chanteur à forcer sa voix et tuent l'expression. D'ailleurs, quand on n'entend plus les paroles, la musique devient ennuyeuse.

Le nombre des instruments doit être proportionné au lieu du spectacle (2). U orchestre est invisible, caché derrière la toile. L'instrumentation changera suivant la passion exprimée. Une ouverture, ou introduction instrumentale et vocale, fera bon effet avant le lever du rideau. Les ritournelles et sinfonie se joueront à beaucoup d'instruments. On finira par un ballet, ou mieux, par un ballet chanté.

L'acteur cherchera à acquérir une perfection absolue dans la voix, le physique, les gestes, la démarche, les pas mêmes, « che sono aiuti molto efïicaci a muovere l'affetto. » Il chantera avec passion, — comme cela est écrit, — sans passages d'agrément; et il aura bien soin de prononcer distinctement les paroles, de fa- çon à ce qu'on les entende, « che siano intese. » Les chœurs ne se croiront pas dispensés de jouer, même lorsqu'ils n'auront pas à chanter (3). Il faudra qu'ils « feignent d'écouter ce qui se passe ; » ils changeront plusieurs fois de place , se lèveront, s'as- siéront, feront des gestes.

��(1) Tous les renseignements qui suivent sont extraits de la préface de la Rappresentatione di Anima et di Corpo. (1600, Rome, Nie. Mutii.) On com- parera ces idées à celles de Wagner, sur le théâtre de Bayreuth.

(2) L'orchestre de Cavalliero est très pauvre : 1 lire double, 1 clavicem- balo, 1 chitarone ou théorbe, 1 organo suave, con un chitarone. La faute en est à cette idée faussement empruntée aux anciens, que l'expression est d'autant plus profonde que ses moyens sont simples.

(3) « Le chœur aura soin de s'attrister ou de se réjouir, selon la réponse de l'écho, qu'ils témoignent attendre avec grando attention » r dit de même Gagliano, dans sa préface de Dafnè. Jamais dans les éloges des critiques ou des préfaces, on n'oublie de mentionner « l'azzione corrispondente alli sensi délie parole », ni « les mouvements harmonieux, consonanti, corne le voci » (S. Alesio, 1034), les gestes des acteurs, « graziosi, necessarii e na- turali » (Aretusa, 10'20). Les conseils do Cavalliero sont d'autant plus sur- prenants qu'il s'agit d'un oratorio, où il y a très peu à jouer.

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