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la vie de Michel-Ange

vivants, fut Gherardo Perini, vers 1522.[1] Michel-Ange s’éprit plus tard de Febo di Poggio, en 1533, et de Cecchino dei Bracci, en 1544.[2] Son amitié pour Cavalieri ne fut donc pas exclusive et unique ; mais elle fut durable, et elle atteignit à un degré d’exaltation, que légitimait dans une certaine mesure non seulement la beauté, mais la noblesse morale de l’ami.

  1. Gherardo Perini fut spécialement visé par les attaques de l’Arétin. Frey a publié de lui quelques lettres très tendres, de 1522 : «… che avendo di voi lettera, mi paia chon esso voi essere, che altro desiderio non o. » ( «… Quand j’ai une lettre de vous, il me semble être avec vous : ce qui est mon désir unique. » ) Il signe : « vostro come figliuolo. » ( « Votre comme un fils. » ) — Une belle poésie de Michel-Ange sur la douleur de l’absence et de l’oubli semble lui être adressée :

    « Tout près d’ici, mon amour m’a ravi le cœur et la vie. Ici, ses beaux yeux m’ont promis leur aide, et puis me l’ont retirée. Ici il m’a lié, ici il m’a délié. Ici, j’ai pleuré, et, avec un deuil infini, j’ai vu de cette pierre partir celui qui m’a pris à moi-même, et qui n’a plus voulu de moi. »

    Voir aux Annexes, XII. — Poésies, XXXV.

  2. Henry Thode, qui, dans son ouvrage sur Michel-angelo und das Ende der Renaissance, ne résiste pas au désir de construire son héros de la façon la plus belle, fût-ce parfois aux dépens de la vérité, place après l’amitié pour Gherardo Perini, l’amitié pour Febo di Poggio, de façon à s’élever, par degrés, jusqu’à l’amitié pour Tommaso dei Cavalieri, parce qu’il ne peut admettre que Michel-Ange soit redescendu de l’amour le plus parfait à l’affection d’un Febo. Mais, en réalité, Michel-Ange était déjà en relations depuis plus d’un an avec Cavalieri, quand il s’éprit de Febo et quand il lui écrivit les humbles lettres (de décembre 1533 d’après Thode, ou de septembre 1534 d’après Frey) et les poésies absurdes et délirantes, où il joue sur les noms de Febo et de Poggio (Frey, CIII, CIV) : — lettres et poésies auxquelles le petit drôle répondait par des demandes d’argent. (Voir Frey, édition des Poésies de Michel-Ange, page 526) — Quant à Cecchino dei Bracci, l’ami de son ami Luigi dei Riccio, Michel-Ange ne le connut que plus de dix ans après Cavalieri. Cecchino était fils d’un banni florentin, et mourut prématurément à Rome en 1544. Michel-Ange écrivit en mémoire de lui quarante-huit épigrammes funéraires, d’un idéalisme idolâtre, si l’on peut dire, et dont quelques-unes sont d’une sublime beauté. Ce sont peut-être les poésies les plus sombres que Michel-Ange ait jamais écrites. — (Voir aux Annexes, XIII)
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