Page:Rolland Vie de Michel-Ange.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
la vie de Michel-Ange

Il détestait les médecins, et manifestait dans ses lettres une inquiétude comique, quand il apprenait qu’un des siens avait eu l’imprudence de s’adresser à leurs soins.

Heureusement pour lui, après sa chute, maître Baccio Rontini de Florence, son ami, qui était un médecin de beaucoup d’esprit et qui lui était fort attaché, eut pitié de lui, et alla, un jour, frapper à la porte de sa maison. Personne ne lui répondant, il monta, et chercha de chambre en chambre, jusqu’à ce qu’il arrivât dans celle où Michel-Ange était couché. Celui-ci fut au désespoir, quand il le vit. Mais Baccio ne voulut plus partir et ne le quitta plus que lorsqu’il l’eut guéri.[1]

Comme autrefois Jules II, Paul III venait voir peindre Michel-Ange, et donnait son avis. Il était accompagné de son maître des cérémonies, Biagio da Cesena. Un jour, il demanda à ce dernier ce qu’il pensait de l’œuvre. Biagio, qui était, dit Vasari, une très scrupuleuse personne, déclara qu’il était souverainement inconvenant d’avoir représenté en un lieu aussi solennel tant de nudités indécentes ; c’était là, ajoutait-il, une peinture bonne à décorer une salle de bains, ou une auberge. Michel-Ange, indigné, portraitura de mémoire Biagio, après qu’il fut sorti ; il le représenta dans l’Enfer, sous la forme de Minos, avec un grand serpent enroulé autour des jambes, au milieu d’une montagne de diables. Biagio se plaignit au pape. Paul III se moqua de lui : « Si encore, lui dit-il, Michel-Ange t’avait mis au Purgatoire, j’aurais pu faire quelque chose pour te sauver ; mais il t’a placé en Enfer ; et là, je ne peux rien : en Enfer, il n’y a aucune rédemption. »[1]

  1. a et b Vasari.
132