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la vie de Michel-Ange

d’un perce-bois ![1] Si tu avais de l’amour pour moi, tu m’aurais écrit : « Michel-Ange, gardez les 3.000 écus, et dépensez-les pour vous : car vous nous avez tant donné que cela nous suffit ; votre vie nous est plus chère que la fortune… » — Mais, depuis quarante ans, vous avez vécu de moi ; et jamais je n’ai reçu de vous seulement une bonne parole…[2]

Une grave question fut celle du mariage de Lionardo. Elle occupa l’oncle et le neveu pendant six ans.[3] Lionardo, docile, ménageait l’oncle à héritage ; il acceptait toutes ses observations, le laissait choisir, discuter, rejeter les partis qui s’offraient : il semblait indifférent, Michel-Ange se passionnait au contraire, comme si c’était lui qui devait se marier. Il regardait le mariage comme une affaire sérieuse, dont l’amour était la moindre condition ; la fortune n’entrait pas beaucoup plus en ligne de compte : ce qui importait, c’était la santé et l’honorabilité. Il donnait de rudes conseils, dénués de poésie, robustes et positifs :

C’est une grosse décision : souviens-toi qu’entre l’homme et la femme il doit toujours y avoir une différence d’âge de dix ans ; et fais attention à ce que celle que tu choisiras ne soit pas seulement bonne, mais saine… On m’a parlé de plusieurs personnes : l’une m’a plu, l’autre non. Si tu y penses, écris-moi donc, au cas que tu aies plus de plaisir à l’une qu’à l’autre : je t’en dirai mon avis… Tu es libre de prendre l’une ou l’autre, pourvu qu’elle soit noble et bien élevée, et plutôt sans dot, qu’avec une grosse dot, — afin de
  1. L’amore del tarlo !
  2. 6 février 1546.

    Il ajoute : « Il est vrai que, l’an passé, je t’ai tant semoncé que tu as eu honte, et tu m’as envoyé un petit tonneau de Trebbiano. Ah ! cela t’a assez coûté !… »

  3. De 1543 à 1553.
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