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la vie de Michel-Ange

réponse, revint à la charge, et lui fit exprimer les inquiétudes qu’il éprouvait au sujet de sa santé et de son entourage. Cette fois, Michel-Ange lui expédia une lettre furibonde, qui montre l’étonnante vitalité de cet homme, à quatre-vingt-huit ans, — six mois avant sa mort :

Je vois d’après ta lettre que tu ajoutes foi à certains envieux coquins, qui, parce qu’ils ne peuvent pas me voler, ni faire de moi ce qu’ils veulent, t’écrivent un tas de mensonges. C’est un ramassis de gredins ; et tu es si bête que tu as foi en eux au sujet de mes affaires, comme si j’étais un enfant. Envoie-les promener : ce sont des gens qui n’apportent avec eux que des ennuis, qui ne font qu’envier, et qui mènent une vie de gueux. Tu m’écris que je souffre sous le rapport du service ; et moi, je te dis qu’en ce qui concerne le service, je ne pourrais pas être plus fidèlement servi, ni mieux traité à tous égards. Et quant aux craintes de vol auxquelles tu fais allusion, je te dis que les gens qui sont dans ma maison sont tels que je puis être en paix là dessus et avoir confiance en eux. Donc, pense à toi-même, et ne pense pas à mes affaires ; car je sais me défendre en cas de besoin, et je ne suis pas un enfant. Porte-toi bien ![1]

Lionardo n’était pas seul à s’inquiéter pour l’héritage. L’Italie tout entière était l’héritière de Michel-Ange, — surtout le duc de Toscane et le pape, qui tenaient à ne point perdre les dessins et les plans relatifs aux constructions de Saint-Laurent et de Saint-Pierre. En juin 1563, sur l’instigation de Vasari, le duc Cosme chargea son ambassadeur, Averardo Serristori, d’agir secrètement auprès du pape pour que, vu l’affaiblissement physique de Michel-Ange, on exer-

  1. Lettre à Lionardo. (21 août 1563)
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