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moins « initiés » tout ce qu’est capable de créer un homme sincère, une femme qui aime.

Quoique foncièrement individualiste, le héros du drame schuréen n’est point un égoïste. Sa soif d’indépendance s’étend à ses frères captifs, et une grande pitié pour l’humanité souffrante tempère l’excès de la personnalité.

Voilà pourquoi Henry Bérenger a raison quand il nous dit qu’il ne faut le comparer ni à l’anarchiste d’Ibsen, ni au surhomme de Nietzsche. « Il a deux ailes qui leur manquent : l’enthousiasme et l’amour, » et c’est cela qui en fait un être socialement utile, capable de faire avancer cette race dont il est réellement le chef, parce que prêt à donner sa vie pour elle.

Trop beau concept pour être vrai, dira-t-on, et utopies dignes d’un âge où tous les hommes seraient des anges. N’empêche que, selon nous, l’homme qui veut atteindre cinq doit viser dix, et qu’aux faibles de la vallée il faut, quoi qu’il arrive et coûte que coûte, monter la cime.

Si dans les Enfants de Lucifer la figure de Lucifer déjoue l’idée farouche que s’en font les profanes et nous jette dans la déroute en personnifiant « le génie de la science, de la liberté et de l’individualité humaines », — en revanche, la Sœur Gardienne nous paraît le chef-d’œuvre du genre.

L’on y trouve un inceste d’âmes qui, ajouté aux enchevêtrements de la double action, visible et invisible, laisse traîner dans la pièce un superbe mélange d’humanité et de surnaturel. Ce prométhéen Maurice est la rançon de la fatalité, comme