Page:Ronchaud - Le Filleul de la mort, 1880.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Car toute chair à son aspect frissonne.
Le sage même entre en perplexité.
Sa crainte antique, éternelle, défie
Tous les discours de la philosophie
Et les sermons de la religion ;
D’aucun onguent la molle friction
Ne peut calmer la blessure divine
Qu’elle ouvre au fond de l’humaine poitrine.
Parfois, du sein de son affliction,
Un malheureux, brisé par la souffrance,
Croit dans la Mort mettre son espérance
Et l’invoquer… Mais c’est un vain propos !
Non, jeune ou vieux, même accablé de maux,
Fût-on martyr, traîné sur une claie,
Eût-on au flanc une béante plaie,
Un noir venin nous rongeât-il les os,
Non, nul n’aspire à l’éternel repos !
Vieille maxime, et que je tiens pour vraie,
Même en dépit de nos sages nouveaux !

Thibaut vivait chez son fils sans rien faire,
Je vous l’ai dit. La Mort venait toujours
En son logis visiter son compère,
Et lui comptait lentement ses longs jours.
De sa présence il avait l’habitude ;
Ils échangeaient ensemble maints propos.