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PIERRE DE RONSARD

lui a marqué, vers la fin, de l’ingratitude. L’art classique a méconnu l’excellent constructeur de la langue et l’introducteur des Anciens. De la condamnation de Boileau, il a fallu Sainte-Beuve pour le relever. Encore la réhabilitation de 1828 fut-elle fort insuffisante et entourée des réserves d’un goût timide. Si l’on peut discuter en partie l’œuvre de Ronsard, les poètes d’aujourd’hui ne se trompent pas à l’acclamer. L’artiste ardent, savant et lucide, pleinement conscient de son action de rénovateur et soumis aux durs labeurs qu’elle exigea, n’a plus à être vengé de dédains injustes. La façon dont il a conçu la poésie reste encore, à peu de détails près, la nôtre. Quant à la technique de son art, les lettrés qui ont pratiqué le vers français, ceux même qui y sont simplement sensibles, savent de quelle trempe solide et souple est l’outil qu’il a forgé. Son vers a déjà toutes nos musiques, et c’est lui qui a orchestré nos rythmes pour un concert qui n’est pas près de finir.