Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 1.djvu/160

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Coutaus vineux, et plages blondoyantes,
Et vous rochers escholliers de mes vers :
Puis qu’au partir, rongé de soin et d’ire,
A ce bel œil Adieu je n’ay sceu dire,
Qui près et loin me détient en esmoy,
Je vous supply, Ciel, aer, vents, monts, et plaines,
Taillis, forests, rivages et fontaines,
Antres, prez, fleurs, dites le luy pour moy.


MURET

Ciel, aer, et vents.) Contraint quelquefois de prendre congé de sa dame, et n’ayant pas le pouvoir de luy dire Adieu, il prie toutes les choses qu’il voit, de [le] luy dire en son nom. Tertres vineux.) Les tertres sont plus bas et déprimez que les montaignes, sur lesquels croissent les bons vins. Virgile, Et apertos Bacchus amat colles. Herbes rousoyantes.) Les Latins disent, Roscidae, ou rorulentae. Plages blondoyantes.) Couvertes de blez desia meurs. Escholliers de mes vers.) Comme Virgile dit, qu’Apollon faisoit apprendre aux Lauriers du fleuve Eurote ses vers, ainsi le Poète dit, que les rochers apprennent les siens.


LXVII

Voyant les yeux de ma maistresse eslüe,
A qui j’ay dit, Seule à mon cœur tu plais,
D’un si doux fruict, Amour, tu me repais,
Que d’autre bien mon ame n’est goulue.
L’Archer, qui seul les bons esprits englue,
Et qui ne daigne ailleurs perdre ses traits,
M’esblouist tant du moindre de tes rais,
Qu’il m’a du cœur toute peine tolùe.