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PIERRE DE RONSARD

chef, reconnu L’ « enrichisseur de la langue française » et le savant « architecte des rythmes nouveaux », elle tente, avec des fortunes diverses, des voies inexplorées. Nos poètes se croient investis d’une sorte de sacerdoce d’art, dont il ne fut jamais question auparavant, et dont l’orgueil, qui exalte souvent hors de mesure leurs prétentions, les encourage aussi au labeur consciencieux et désintéressé. Ronsard le répète sans cesse en vers et même en prose, par exemple lorsqu’il adresse à un débutant son Abrégé de l’Art poétique français : « Sur toutes choses tu auras les Muses en révérence, voire en singulière vénération, et ne les feras jamais servir à des choses déshonnêtes, à risées, ni libelles injurieux ; mais les tiendras chères et sacrées comme les filles de Jupiter, c’est-à-dire de Dieu, qui de sa sainte grâce a premièrement par elles fait connaître aux peuples ignorants les excellences de sa majesté. » Don du ciel et d’essence divine, la poésie impose à ceux qui s’y livrent, en échange de terrestres avantages et d’honneurs qu’ils sont en droit de réclamer, des devoirs particuliers et le dévouement de toute leur vie.

La carrière de Ronsard, malgré ses obligations intermittentes de courtisan, fut vouée plus généreusement que nulle autre au service des Muses. Elle se trouve jalonnée par des livres, qui tous ont apporté quelque enrichissement à la poésie