Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 1.djvu/332

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Que son beau front ne soit entre-fendu
De nul sillon en profond estendu,
Mais qu’il soit tel qu’est l’eau de la marine,
Quand tant soit peu le vent ne la mutine,
Et que gisante en son lict elle dort,
Calmant ses flots sillez d’un somne mort.
Tout au milieu par la grève descende
Un beau ruby, de qui l’esclat s’espandc
Par le tableau, ainsi qu’on voit de nuit
Briller les rais de la Lune, qui luit
Dessus la neige au fond d’un val coulée,
De trace d’homme encore non foulée.
Apres fay luy son beau sourcy voutis
D’Ebene noir, et que son ply tortis
Semble un Croissant, qui monstre par la nue
Au premier mois sa vouture cornue :
Ou si jamais tu as veu l’arc d’Amour,
Pren le portrait dessus le demy tour
De sa courbure à demy cercle close :
Car l’arc d’Amour et luy n’est qu’une chose.
Mais las ! Janet, helas, je ne sçay pas
Par quel moyen, ny comment, tu peindras
(Voire eusses tu l’artifice d’Apelle)
De ses beaux yeux la grâce naturelle,
Qui font vergongne aux estoilles des cieux.
Que l’un soit doux, l’autre soit furieux,
Que l’un de Mars, l’autre de Venus tienne :
Que du bénin toute espérance vienne,
Et du cruel vienne tout desespoir :
L’un soit piteux et larmoyant à voir,
Comme celuy d’Ariadne laissée
Aux hors de Die, alors que l’insensée