Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/184

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Cache sous terre ma moitié,
Ma mort, et ma vie.
Apres sa mort, je ne de vois
Tué de douleur, la survivre :
Autant que vive je l’aimois,
Aussi tost je la de vois suivre :
Et aux siens assemblant mes os,
Un mesme cercueil eust enclos
Ma mort, et ma vie.
Je mettrais fin à mon malheur,
Qui hors de raison me transporte,
Si ce n’estoit que ma douleur
D’un double bien me reconforte.
La penser Déesse, et songer
En elle, me fait allonger
Ma mort, et ma vie.
En songe la nuict je la voy
Au ciel une estoille nouvelle
S’apparoistre en esprit à moy
Aussi vivante, et aussi belle
Comme elle estoit le premier jour
Qu’en ses beaux yeux je veis Amour,
Ma mort, et ma vie.
Sur mon lict je la sens voler,
Et deviser de mille choses :
Me permet le voir, le parler,
Et luy baiser ses mains de roses :
Torche mes larmes de sa main,
Et presse mon cœur en son sein,
Ma mort, et ma vie.
La mesme beauté qu’elle avoit,
La mesme Venus, et la grace,