Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/224

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L’imaginer seulement me fait estre
Comme je suis en une peine extrême.
L’œil peult faillir, l’aureille fait de mesme,
Mais nul des sens mon amour n’a fait naistre.
Je n’ay ny veu, ny ouy, ny touché :
Ce qui m’offense, à mes yeux est caché :
La playe au cœur à credit m’est venue.
Ou noz esprits se cognoissoient aux Cieux
Ains que d’avoir nostre terre vestue,
Qui vont gardant la mesme affection
Dedans leurs corps, qu’au Ciel ils avoient euë,
Ou je suis fol : encores vaut-il mieux
Aimer en l’air une chose incognue
Que n’aimer rien, imitant Ixion,
Qui pour Junon embrassoit une nue.

IIII

Douce Françoise, ainçois douce framboise,
Fruict savoureux, mais à moy trop amer,
Tousjours ton nom, helas ! pour trop aimer
Loge en mon cœur, quelque part que je voise.
Ma douce paix, mes tréves, et ma noise,
Belle qui peux mes Muses animer,
Ton nom si franc devrait t’accoustumer
Mettre les cœurs en franchise Françoise.
Mais tu ne veux redonner liberté
Au mien captif, que tu tiens arresté
Pris en ta chesne estroitement serrée.
Laisse la force : Amour le retiendra,
Ou bien, Maistresse, autrement il faudra
Que pour Françoise on t’appelle ferrée.