Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/337

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LI

Voyant par les soudars ma maison saccagée,
Et tout mon pays estre image de la mort,
Pensant en ta beauté, tu estois mon support,
Et soudain ma tristesse en joye estoit changée.
Resolu je disois, Fortune s’est vangée,
Elle emporte mon bien, et non mon reconfort.
Hà, que je suis trompé ! tu me fais plus de tort
Que n’eust fait une armée en bataille rangée.
Les soudars m’ont pillé, tu as ravy mon cœur
Tu es plus grand voleur, j’en demande justice :
Tu es plus digne qu’eux de cruelle rigueur.
Tu saccages ma vie en te faisant service :
Encores te mocquant tu braves ma langueur,
Qui me fait plus de mal, que ne fait ta malice.


LII

Vous estes le bouquet de vostre bouquet mesme,
Et la fleur de sa fleur, sa grace et sa verdeur.
De vostre douce haleine il a pris son odeur :
Il est, comme je suis, de vostre amour tout blême.
Ma Dame, voyez donc, puisqu’un bouquet vous aime,
Indigne de juger que peut vostre valeur,
Combien doy-je sentir en l’ame de douleur,
Qui sers par jugement vostre excellence extrême ?
Mais ainsi qu’un bouquet se flestrist en un jour,
J’ay peur qu’un mesme jour flestrisse vostre amour
» Toute amitié de femme est soudain effacée