Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/480

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Et comme apres leur mort ton ame genereuse
Ne voulut endurer que leur tumbe poudreuse
Demeurast sans honneur, faisant faire à tous trois
Des Epitaphes Grecs et Latins et François,
Gage de ton amour : à fin que la memoire
De ces trois demy-dieux à jamais fust notoire,
Et que le temps subtil à couler et passer,
Par siecles infinis ne la peust effacer.
Ces trois nobles esprits oyans telle nouvelle,
Danceront un Pean dessus l’herbe nouvelle,
Et en frappant des mains feront un joyeux bruit,
Dequoy sans fourvoyer, Villeroy les ensuit.
Or comme un endebté, de qui proche est le terme
De payer à son maistre ou l’usure, ou la ferme,
Et n’ayant ny argent ny biens pour secourir
Sa misere au besoin, desire de mourir :
Ainsi ton obligé ne pouvant satisfaire
Aux biens que je te doibs, le jour ne me peult plaire :
Presque à regret je vy, et à regret je voy
Les rayons du Soleil s’estendre dessus moy.
Pource je porte en l’ame une amere tristesse,
Dequoy mon pied s’avance aux fauxbourgs de vieillesse
Et voy (quelque moyen que je puisse essayer)
Qu’il faut que je déloge avant que te payer,
S’il ne te plaist d’ouvrir le ressort de mon coffre,
Et prendre ce papier que pour acquit je t’offre,
Et ma plume qui peut, escrivant verité,
Tesmoigner ta louange à la posterité.
Reçoy donc mon present, s’il te plaist, et le garde
En ta belle maison de Conflant, qui regarde
Paris, sejour des Rois, dont le front spacieux
Ne voit rien de pareil sous la voûte des Cieux :