Page:Ronsard - Les Amours, 1553.djvu/35

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MVRET. Je pai mon coeur.) Il dit, qu’il reçoit tant de plaisir en aimant que s'il n'i avoit quelque peu de desplaisir entremeslé , il ne voudroit pas changer sa condition a celle des dieus. Le commencement semble estre pris d'un de Pétrarque, qui commence ainsi,
Pasco la mente d’un si nobil cibo,
Ch’ambrosia e nettar non invidio a Iove.
Ambrosie,) C'est la viande des dieus, & Nectar le bruvage. Tous les deus signifient immortalité. Chés l'Océan,) Qui est dieu de la mer. La disent les Poetes, que les dieus vont souvent banqueter. Voi l’Ode a Michel de l’Hospital.


Amour, Amour, donne moi pais ou tréve,
Ou bien retire, & d'un garot plus fort
Tranche ma vie, & m'avance la mort,
Me bienheurant d'une langueur plus bréve.

Soit que le jour, ou se couche, ou se léve,
Je sen toujours un penser qui me mord,
Et contumax au cours de son effort,
De pis en pis mes angoisses rengréve.

Que doibs je faire ? Amour me fait errer
Si hautement, que je n'ose esperer
De mon salut que la desesperance.

Puis qu'Amour donc ne me veut secourir,
Pour me defendre, il me plaist de mourir,
Et par la mort trouver ma delivrance.

MVRET.

Amour, Amour,) Tormenté de desir, & n’osant esperer de parvenir au bien qu’il pretendoit, il souhéte d’avoir pais, ou tréve pour le moins avec Amour. Et si Amour ne lui veut acorder ne l’un ne l’autre, pour mètre fin a sa douleur, il souhéte la mort.