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Il ne nous a pas semblé, cependant, que notre entreprise fût inutile. Malgré tant de belles pages et de délicates analyses, il s’en faut que l’on ait pénétré entièrement les secrets de l’esthétique des peintres du début de notre âge et le mot de « romantisme » même est demeuré jusqu’à ce jour un objet de controverse. Les amateurs, les historiens de l’art, les mieux informés, les plus curieux, définissent-ils de la même façon, le génie d’Ingres ou de Delacroix, s’accordent-ils sur la valeur des œuvres et sur le mérite des idées ?

Nous ne prétendons pas faire cesser cette incertitude. Mais, par l’examen d’une période à la fois très féconde et très courte, nous avons essayé de discerner les actions qui se sont exercées sur nos peintres, les affinités qui les ont groupées et de presser le sens de leurs doctrines.

Remontant aux origines, nous nous sommes appliqué à démêler les racines lointaines de la révolution artistique ; comme notre champ d’investigation était restreint, nous avons, avec un respect scrupuleux de la chronologie, suivi pas à pas le développement des novateurs et nous avons formulé de consciencieuses hypothèses.

La vérité que nous avons recherchée n’est pas celle qui prétend embrasser tous les faits et épuiser tous les documents. En matière d art surtout, un pareil dessein serait fastidieux et d’ailleurs inexécutable. Répandus dans les collections publiques et privées de l’Europe et du globe, détruits ou perdus, les tableaux des plus grands artistes se dérobent souvent, d’une façon complète, à toutes les recherches. Il n’est pas un peintre dont on puisse se vanter de connaître, même, toutes les œuvres maîtresses, je ne parle pas de l’œuvre tout entier. Souvent aussi les toiles que l’on veut examiner ne valent pas la peine d’être étudiées ; les artistes secondaires que l’on pourrait exhumer ne méritent pas de l’être. Le rôle de l’historien de l’art n’est pas celui d’un fossoyeur.

D’ailleurs quelle serait la limite en pareille voie. De 1817 à 1827, près de huit mille tableaux ont été exposés. D’autres, sans doute, ont été composés sans subir l’épreuve du public. Faudra-t-il chercher à les analyser tous ? Ce serait une pure lobe. Nous avons compris autrement notre devoir.

C’est aux héros que nous nous sommes attaché, c’est à leurs manifestations capitales que nous avons demandé l’explication de leurs pensées. Nous réclamons la liberté que l’on accorde aux historiens de la littérature : à leur exemple nous avons choisi et, pour faire connaître une époque, nous avons invoqué le seul témoignage de ses enfants les plus admirables.

C’est l’âme, c’est, le génie de cette poignée d’artistes qui domine la foule et qui seule agit sur la marche de l’humanité, sur qui s’est concentré notre examen.