Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/184

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et, tandis qu’il se tâtait, le Nomade gagnait du terrain.

Une clarté grise filtrait dans les galeries. Les Oulhamr apercevaient maintenant le sol : ils ne trébuchaient plus, ils filaient à grande allure… Mais la poursuite reprenait, les fauves aussi redoublaient de vitesse et, tandis que la lumière s’accroissait, le fils du Léopard songea que, à l’air libre, le danger deviendrait pire.

De nouveau, l’ours géant fut proche. La cuisson de la paupière avivait sa rage, toute prudence l’avait quitté ; la tête gonflée de sang, rien ne pouvait plus arrêter son élan. Naoh le devinait au souffle plus caverneux, à des grondements brefs et rauques.

Il allait se retourner pour combattre, lorsque Nam poussa un cri d’appel. Le chef vit une haute saillie qui rétrécissait le couloir. Nam l’avait déjà dépassée, Gaw la contournait. La gueule de l’ours rauquait à trois pas, lorsque Naoh, à son tour, se glissa par l’hiatus en effaçant les épaules. Emportée par son élan, la bête se buta, et seul le mufle immense passa par l’ouverture. Il béait, il montrait les meules et les scies de ses dents, il poussait une grande clameur sinistre. Mais Naoh n’avait plus de crainte, il était soudain à une distance infranchissable : la pierre, plus puissante que cent mammouths, plus durable que la vie de mille générations, arrêtait l’ours aussi sûrement que la mort.

Le nomade ricana :

— Naoh est maintenant plus fort que le grand ours. Car il a une massue, une hache et des sagaies. Il peut frapper l’ours, et l’ours ne peut lui rendre aucun de ses coups.

Il avait levé sa massue. Déjà, l’ours reconnaissait les pièges du roc, contre lesquels il luttait depuis son enfance. Il retira sa tête avant que l’homme eût frappé, il s’effaça derrière la saillie. Sa colère demeurait, elle soulevait